Paris. 20 juillet.
J’écris ? J’écris pas ? Il est 1h35, je viens de rentrer du concert de Damien Rice au Grand Rex. C’est encore tout chaud dans ma tête, je ne me suis pas encore totalement remise de la claque. Certes, ça fait trois fois en une saison que je vois l’Irlandais. Non, je ne suis toujours pas blasée et c’est chaque fois de mieux en mieux. Et c’est JAMAIS la même chose. Je me souviens qu’à l’automne dernier, il m’avait dit qu’il y aurait des musiciens avec lui sur la tournée « MFFF ». Menteur. Il est tout seul. Mais de toute manière, il ne semble avoir besoin de personne. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est donc Damien Rice, une pédale, une guitare, un harmonium et une batterie qui se présentent sur la scène de la mythique salle parisienne… clairement pas adaptée pour un concert. On s’enfonce beaucoup trop dans les sièges, on se sent tout fluffy et à moitié endormie et la première partie n’est vraiment pas convaincante. Un mec m’a dit un jour qu’il faut toujours s’assurer que la première partie ne soit pas trop bonne pour ne pas éclipser la tête d’affiche. Clairement, Mariam The Believer n’a rien éclipsé mais plutôt percé quelques tympans avec ses cris stridents et ses mélodies pas du tout abouties. On ne dira rien de plus.
Il est 21h30 quand l’Irlandais arrive sur scène. On s’attend à ce qu’il commence son set par l’indémodable « The Professor ». Perdu, c’est par « Cannonball » que le concert commence, histoire de rentrer directement dans le vif du sujet. Hey mais c’est quoi cette voix qui ne sort pas ? J’ai peur, le garçon est-il rouillé après avoir enchaîné un nombre incalculable de dates ? En vrai tout va bien. Après une chanson de chauffe, l’Irlandais va lâcher les chevaux et livrer un set dont lui seul a le secret, un set où alterne calme et tempête. Il y a de l’électricité dans l’air, l’homme semble nerveux par moment. Il triture et maltraite sa guitare, s’amuse avec la saturation, il maltraite sa pédale aussi, expérimente sur scène, joue de tous les instruments notamment avec « It Takes a Lot to Know a Man » où il vogue d’un instrument à l’autre, guitare, clarinette, batterie… On a l’impression d’être le studio expérimental d’un musicien fou, d’autant plus que la lumière rouge à ce moment-là éclaire la salle et amplifie ce sentiment. On est comme hypnotisé par cet homme qui réinvente chaque fois ses chansons. On n’a pas le droit au canon sur « Canonball » mais à un tête-à-tête avec la pédale, ça change. Mais le point d’orgue du concert reste « Trusty and True » qui Damien Rice interprète avec un harmonium. Là, il faut fermer les yeux et se laisser porter par cet instrument. On a presque l’impression d’entendre au beau milieu d’une forêt irlandaise dans laquelle raisonne des chants celtes. On oublie la chorale gospel des Folies Bergères, cette version-là frappe directement dans le cœur. Evidemment, j’ai lâché ma larme. Evidemment, j’ai encore été hypnotisé par ce garçon si touchant qui n’hésite pas à répondre favorablement aux demandes du public. Lorsqu’un homme demande « The Box », Damien Rice s’exécute. Sans micro et sans lumière. Dans le noir complet, on l’entend raconter les déboires de ce garçon qui se sent étouffer dans une relation avant de s’éclipser pour de bon sans chanter son tube « Blower’s Daughter ». Aucun regret de la part du public qui lui offrira deux standing ovations. Ce n’était pas l’écrin de Pleyel, ce n’était pas la même émotion, les mêmes retrouvailles c’était un cran au-dessus. Il n’est plus le troubadour torturé, il est le troubadour qui expérimente. On est OK avec ça.
Setlist : Cannonball/Older Chest/Volcano/Elephant/The Professor/Trusty and True/I Remember/The Greatest Bastard/Long Long Way/Coconut Skin/It Takes A Lot To Know A Man/My Heart/9 Crimes/The Box
Lyon. 18 juillet
A Lyon samedi dernier, la pierre du Théâtre Antique de Fourvière avait été légèrement rafraichie par un violent orage dans l’après-midi. Orage annoncé normalement pour la soirée, et nous étions donc soulagés de notre après-midi lyonnaise pourrie qui laissait espérer qu’après la pluie : le beau temps. Après la tempête : le doux folk de Damien Rice. Comme à Paris, on peut effectivement considérer que nous avons été littéralement refroidis par Mariam The Believer en première partie. Il nous manquait à tous visiblement une partie d’information la concernant, une connaissance de son album qui nous aurait permis de remettre les morceaux dans l’ordre et d’être peut-être touchés par les sons non-mélodieux qu’elle nous servit, heureusement assez rapidement…
Damien arrive seul sur scène, tranquillement et nous met à genoux immédiatement. Pas de piquador, pas de vuelta avec la muleta, tête à tête avec le public direct, pour une délicieuse et sublime mise à mort. « Cannonball » et « Delicate » en guise d’intro, sans un Bonjour ni rien. Et bien sûr cascades de larmes incontrôlables dès les premiers accords… Damien Rice avec ces deux titres résument à lui tout seul pourquoi est-ce que l’on aime le folk. On ne pleure pas de tristesse ou de mélancolie, Médisants nous accusant de dépression passez votre chemin ! On est emporté par l’émotion provoquée par la beauté et perfection du son cristallin de sa guitare, magnifiant sa voix parfaitement juste. C’est beau comme une œuvre d’art, c’est un de ces trop rares instants de grâce, le temps s’arrête et malgré l’immense Théâtre de plein air qu’est Fourvière, pas un son, pas un murmure dans le public.
La set list ne fut effectivement pas la même qu’à Paris, pas de routine chez Damien. Nous Lyonnais avons eu droit à d’assez drôles et laborieuses explications sur la culpabilité concernant le titre « Trusty and True » ! Médisants, repassez votre chemin le garçon a de l’ironie, de la folie et aucune once de tristesse. Outre les titres folks qui ont forcément notre faveur chez Rocknfool, ce qui était sur toutes les bouches en sortant de l’arène après le dernier titre « It Takes A Lot To Know A Man » , c’était : « Wow, mais c’est incroyable la ferveur de ce type et comment à lui seul avec sa pédale il a pu enflammer Lyon ! » Effectivement, il y avait de la rage et du rock, alternant avec les élans oniriques de ses terres irlandaises d’origine. Un concert parfait, complet, des émotions puissantes, des kilos de mouchoirs, un grand merci à toi Dieu du folk…