Note : 4/5
Du cinéma coréen on connaît ses thrillers et autres films fantastiques emmenés par des cinéastes tels que Park Chan-wook (Old Boy, Thirst, Stoker), Kim Jee-woong (A Bittersweet Life, J’ai rencontré le diable, Le Dernier Rempart), ou Bong Joon-ho (The Host, Mother, Snowpiercer) qui ont tous trois acquis une aura internationale et se sont laissés séduire par l’appel du cinéma américain et de la réalisation d’un film en langue anglaise. On connaît moins le cinéma plus intimiste et naturaliste de Hong Sang-soo, pourtant habitué des grand festivals (Cannes, Berlin, Venise, …). Habitué au rythme de production soutenu (plus d’un film par an), le réalisateur coréen revient avec Hill of Fredom, un petit bijou poétique qui offre un contre-pied parfait aux habituels blockbusters estivaux.
© Les Acacias
Mori, un jeune Japonais, atterrit à Séoul dans le but de revoir la femme qu’il aime. Celle-ci étant absente, il lui écrit des lettres racontant son séjour au gré des rencontres qu’il va faire en l’attendant. Hong Sang-soo continue son exploration des rapports humains et intimes entre les personnes de culture différente. Après Night and Day et son Coréen à Paris ; In another country et sa Française en Corée ; ici c’est au tour d’un Japonais d’être perdu dans un pays étranger dont il ne comprend pas la langue. Le film jongle donc entre le coréen et l’anglais que les protagonistes utilisent pour se comprendre. A travers cette histoire, le réalisateur pose un regard à la fois tendre et critique sur une mentalité coréenne belle mais parfois trop étroite. En à peine plus d’une heure, le cinéaste nous séduit par cette histoire d’errance à la recherche d’un amour disparu.
Hill of Freedom est un film épistolaire. En effet, on suit l’histoire de Mori à travers les lettres qu’il a écrites à la femme qu’il aime et que celle-ci est en train de lire dans le café qui donne son titre au film. Ainsi le découpage du film est assez séquencé, ce sont des épisodes qui s’enchaînent avec une introduction, un développement et une conclusion. Les séquences ne se suivent pas toujours de manière chronologique mais en fonction des lettres lues en voix off par Mori. Cette façon de construire son film met le spectateur en situation d’attente, sans savoir si Mori a déjà quitté Séoul lorsque la femme qu’il aime lit son journal de séjour. Hong Sang-soo utilise même la forme de son film pour créer un suspense quant à ce qu’il va advenir de son personnage à la fin du film. Comme pour chacun de ses films le regard du réalisateur se fait tendre et naturaliste.
La manière de filmer d’Hong Sang-soo lui est propre. Loin des effets de style présents chez ses confrères, ici la caméra est souvent fixe avec un cadre bien composé. D’ailleurs, plus que dans le cadrage, Hong Sang-soo est maître dans le re-cadrage. Cette technique consiste à changer de cadre à travers le même plan sans le découper. Cela se traduit souvent chez le réalisateur par un zoom avant ou arrière extrêmement précis ou par un panoramique qui permet de faire passer un personnage d’un cadre à l’autre. Ainsi, si le film a une structure très découpée en terme de récit, en terme de montage chaque coupe a une intention, une signification et le film présente beaucoup de plans-séquences. Cette manière de filmer avec une caméra numérique vient renforcer la démarche naturaliste du réalisateur.
© Finecut Co.
Les habitués du cinéaste y retrouverons ses thèmes de prédilection : l’étude des relations amoureuses, la rencontre de cultures différentes, les dîners alcoolisés,… Pour ceux qui ne connaîtraient pas le cinéaste, Hill of Freedom est un excellent point de départ pour aborder un cinéaste contemporain essentiel. Le film est concis, et sait entrer avec pudeur dans l’intimité de personnages touchants. Une petite pépite venue d’Asie qui se regarde avec plaisir.
Anatole Vigliano
Film en salles depuis le 8 juillet 2015