Six ans après la sortie du tube le plus commercial de leur carrière, les Drums nous ont offert un troisième album bien loin des tonalités ensoleillées de Summertime ! Encyclopedia est un livre ouvert sur la vie telle que la consomme Jacob Graham et Jonathan Pierce; une vie désertique.
Across The Days : On va commencer avec une question à propos de votre pochette d’album parce qu’elle nous a beaucoup intriguée, et en particulier cet ananas qui semble être un intrus parmi tous les objets présents. Donc, pourquoi un ananas ?
Jacob Graham : L’ananas a en réalité une place très importante ici et dans notre travail depuis la création du groupe et de nos vidéos. C’est le signe international de bienvenue. C’est comme un titre officiel, qu’on a dû lire il y a un moment, et on a pensé que ça pouvait être vraiment intéressant de travailler sur cette idée. En fait, on aime vraiment l’idée d’accueillir les gens dans notre petit monde. Et oui, la pochette c’est juste un peu nous, assis sur un canapé, ce qu’on fait très souvent d’ailleurs, tout comme maintenant (rire). Et on a juste sélectionné différents objets qui trainaient autour de nous et pensé que chacun correspondraient à une chanson de l’album. Sur la pochette il y a douze objets différents et tu vois sur l’album il y a douze cha
nsons. Et c’est vraiment sympa pour de se poser dans un coin pour écouter l’album, regarder la pochette et assembler les chansons et les objets. Chacun se crée sa propre histoire. Parce que tu vois, aujourd’hui, beaucoup de pochettes d’albums sont vraiment simples, c’est juste des photos ou quelque chose du genre et nous on voulait vraiment une pochette comme il s’en faisait avant, une pochette faite pour les vinyles, que tu prends vraiment plaisir à regarder assis dans un canapé, une pochette que tu pourrais regarder toute une soirée (rire). Pour nous, l’écoute d’un disque c’est aussi prendre conscience de tout le travail artistique qu’il y a autour.ATD : Mais si tous les objets symbolisent une chanson, laquelle est associée à cet ananas ?
Jacob Graham : (En chuchotant) Je dirais « Kiss me again »
ATD : Dans « I can’t pretend », on a vraiment l’impression d’entendre les Pixies, comme si vous étiez une nouvelle version du groupe. Est ce que c’est un chemin que vous aviez envie d’explorer où je me trompe complètement ?
Jonathan Pierce : Hum, non tu ne te trompes pas complètement.
Jacolb Graham : Je ne pense pas que les Pixies soit un groupe qui nous inspire réellement.
Jonathan Pierce : Mais on pense qu’ils peuvent être intéressant. On n’écoute pas vraiment leur musique mais après avoir enregistré la chanson, les gens ont commencé à nous dire qu’elle sonnait comme une chanson des Pixies, alors on s’est dit que c’était pas une si mauvaise chose et on a commencé à adhérer à cette idée.
ATD : Quand je parle des Pixies, je pense aux « vieux » Pixies, parce que ce qu’ils ont sorti récemment, ce n’est pas vraiment ce que j’aime chez eux.
Jacob Graham : Oui mais tu sais, nous on essaye juste plein de choses différentes et cet album en est la preuve car on a essayé des choses qu’on avait jamais faites avant.
ATD : Comment pouvez-vous expliquer l’esprit de l’album ? Il paraît vraiment plus sombre que les précédents, du coup, est-ce que vous avez vécu des moments plus sombres durant l’écriture d’Encyclopedia ?
Jacob Graham : Hum, oui je pense. Je pense que ça a beaucoup à voir avec le temps fou qu’on a passé à créer cet album. On a pris la réelle décision de passer plus de temps sur cet album comme on en avait jamais passé avant parce qu’on a toujours été dans le rush par le passé lorsque l’on écrivait un album. Du coup, pour celui ci, on voulait vraiment prendre notre temps, le laisser respirer, tant sur le plan musical que dans la façon de l’écrire et de l’enregistrer, pour nous laisser le temps de travailler chaque chanson et de revenir sur l’une d’entre elles si on pensait que c’était nécessaire. Et je pense qu’à cause de ça, on a réussi à écrire des chansons plus lentes. On n’a jamais eu autant de chansons calmes sur un album et c’est sûrement grâce au rythme qu’on a pris lors de l’écriture. Je pense qu’on est naturellement mélancolique, pessimiste et souvent avec des pensées sombres, du coup, quand on n’est pas trop dans le rush, on a tendance à se laisser aller. Et puis, quand on a commencé a écrire et enregistrer l’album, on était vraiment en plein hiver, il faisait froid, il y avait de la neige partout et je pense que ça a aussi joue sur la tonalité et l’esprit de l’album.
ATD : Mais vous êtes quand même toujours « the two guys who go surfin’ » non ?
Jonathan Pierce : On joue toujours cette chanson pour les fans oui, mais…
Jacob Graham : Je pense qu’on essaye surtout de se détacher un peu de cette chanson depuis le début. Quand on a monté le groupe et qu’on composait des chansons genre « beach party », on se demandait : « ce ne serait pas bizarre d’entrer dans magasin de disque et de trouver un album d’Echo and the Bunnymen vieux de 30 ans ? » Du coup, avec cette approche, on a pensé : « Et si c’était le dernier groupe de Factory Record a avoir fait de la musique beachy ? » Tout le monde nous disait constamment que notre musique sonnait comme un groupe signé chez Factory Record parce qu’on aimait soit disant la plage mais c’était plus comme une blague… Et je pense que les chansons que l’on a écrite pour Encyclopedia sont en réalité la continuité de celles écrites pour Portamento. C’est une sorte de progression naturelle entre les deux albums et c’est aussi pour ça qu’Encyclopedia est plus sombre et rigoureux.
Jonathan Pierce : Quand on grandit, on réalise que la vie n’est pas toujours super drôle.
ATD : C’est un peu triste ce que vous dites…
Jacob Graham : C’est pour ça qu’on invite quand même nos fans à vieillir avec nous.
ATD : On a parfois l’impression que votre album raconte une histoire d’amour ; vous chantez « Kiss me again », puis « Break my heart » et enfin « Deep in my heart ». Vous êtes tombés amoureux pendant l’écriture de l’album ?
Jonathan Pierce : Je ne suis pas tombé amoureux pendant l’enregistrement mais c’est drôle ce que tu dis parce que je suis effectivement tombé amoureux récemment, mais c’était quand j’enregistrais mon album solo et les chansons en sont sûrement inspirées. Et puis, quand j’écrivais pour mon projet solo, j’apportais toujours un peu de ma créativité dans The Drums.
Jacob Graham : Je ne pense pas qu‘avoir cette ligne directrice était réfléchi. Mais on est toujours un peu en retard quand tout se met en place et il y a une sorte d’histoire derrière mais on la raconte souvent inconsciemment.
ATD : Au début du clip de Magic Moutain, il est écrit « Encyclopedia volume 1 ». Vous envisagez donc déjà un nouvel album ? Un « Encyclopedia volume 2 » ?
Jonathan Pierce : On l’est un peu. Je pense que, quand on a décidé de le mettre dans la vidéo, on pensait à l’idée qu’il y a 12 volumes différents dans une collection d’encyclopédies. On peut penser que chaque chanson est en réalité une projection de chaque volume de l’encyclopédie. Mais à côté de ça, on pense sérieusement au prochain album et je ne pense pas qu’on l’appellera Encyclopedia volume 2, parce que le « volume 1 » est une renaissance pour le groupe, on se sent revigoré, on a de nouvelles idées.
ATD : Donc si on vous suit, votre prochain album risque d’être plus sombre parce que vous allez vieillir…
Jonathan Pierce : C’est possible, fort possible… Mais en réalité je ne sais pas, dans le sens où notre but n’a jamais été d’écrire un album sombre. Notre but est d’être honnête et de montrer ce qu’on ressent, quel est l’intérêt sinon ? Donc, si on se sent bien, on écrira une chanson qui le décrit, et si on se sent horriblement mal, on écrira on chanson à propos de ça.
ATD : Wild Geese est une chanson magnifique, reflétant le ton de l’album. Est-ce la conclusion de l’histoire que vous racontez à travers Encyclopedia ?
Jacob Graham : Une grande partie de notre travail était très personnel et racontait l’histoire de notre petite bulle qu’on avait crée. Encyclopedia est notre nouveau départ, avec un point de vue plus large et moins centré sur nous. On a donc pensé cet album comme notre lettre d’amour destinée aux gens qui veulent casser les codes sociaux, entre autres. On a vraiment senti que ce phénomène prenait de l’ampleur. Donc oui, je pense que l’album tourne autour de l’idée qu’on est jamais seul et qu’on peut trouver du soutien partout. En fait, les couplets racontent un peu ce retour vers notre enfance et comment on se sent grandir tandis que les refrains permettent de tout rassembler et d’entrevoir une lueur d’espoir à chaque nouvelle étape. Mais, une fois passé toutes ces étapes, c’est la dépression.
Remerciement tout particulier à Sofiane Boualia pour ces jolies photos.