En 2024, Anne Hidalgo nous l'assure : si Paris organise les JO, les nageurs, dans le sillage du triathlon olympique, feront leur grand retour dans la Seine. Interdites à la baignade depuis 1923, les eaux du fleuve pourraient donc à nouveau s'agiter entre la passerelle de l'Avre et le pont de Suresnes, voire au pied même de la tour Eiffel en plein Paname. Après Jacques Chirac en son temps, la maire de Paris y va à son tour de sa promesse de lendemains qui baignent, là où le commun des mortels ne voit le plus souvent dans la Seine qu'une autoroute tout juste bonne à charrier rats, silures, microbes et autres reliefs flottants du quotidien de dix millions de Franciliens…
Polluée la Seine dites-vous ? Certainement moins qu'il y a un siècle, où l'on était guère regardant sur la qualité des eaux déjà sévèrement troublées par l'industrialisation, dont les rejets prennent alors bien souvent directement le chemin du fleuve. Cela n'empêche pas les sportifs en quête d'ébats aquatiques d'y plonger tête la première et sans combinaison s'il vous plaît ! En 1900, Sequana, déesse tutélaire du fleuve, a même droit aux honneurs de l'Olympe. Le 11 août à 11h30 à Asnières, les quarante-sept participants du concours de natation olympique y disputent une course de 1000 m, remportée par l'Anglais John Jarvis, sans même que l'on juge bon d'interrompre le trafic fluvial. Les traversées de Paris à la nage font alors partie du folklore estival et les quais sont même noirs de monde le 16 septembre 1905 pour voir huit concurrents relever le défi de 12 kilomètres qui leur est proposé par le quotidien L'Auto entre le pont National et le viaduc d'Auteuil. Vainqueur, le Parisien Paulus n'a rien d'un surhomme, mais, nous dit L'Illustration, est "un notable commerçant, âgé de quarante-quatre ans, père de quatre enfants, dont la célébrité relative commença aux bains Deligny en 1885…"
La vision d'Anne Hidalgo rêvant de voir barboter dans la Seine nos valeureux athlètes puis tous les Parisiens, ne tient donc pas à proprement parler de l'utopie. Des triathlètes l'ont déjà fait, à intervalle plus ou moins régulier. S'il vaut mieux éviter d'y de boire la tasse, les progrès de l'assainissement et les normes toujours plus draconiennes en matière de traitement et de rejet des eaux usées pourraient permettre aux membres de la caravane aquatique olympique de fendre à nouveau en 2024 une onde, dont la pureté n'aurait sans doute pas inquiété leurs arrière-grands-parents. Mais les rats dans tout ça me direz-vous ? De ce côté-là, aucune crainte. Les instances du sport international en comptent suffisamment dans leurs rangs pour que tout ce petit monde arrive à conclure une trêve durable bien au-delà de 2024.