Après un Mad Max - Fury Road qui a rappelé qu'on était en droit d'attendre d'un film qu'il nous surprenne et redéfinisse toutes les attentes qu'on puisse avoir d'un blockbuster/film d'auteur (alliance parfaite), il est temps de jeter un œil du côté des sorties estivales (hivernales, ici) et du très remonté Jurassic World de Colin Trevorrow, premier film de la franchise depuis 2001.
Et malgré la meilleure volonté du monde, difficile de jouer la vierge effarouchée : on sait pertinemment ce qui nous attend devant un Jurassic Park. L'attente est donc ailleurs, dans la redécouverte, cette posture inconfortable entre nostalgie et attente. Lui aussi élevé aux films de Spielberg, le réalisateur (dont c'est le premier gros budget) arrive parfois à sublimer l'attente qu'on a du film en lui-même. Il est impossible de retrouver cet émerveillement qu'on avait éprouvé en 1993 devant un groupe de brachiosaures et Colin Trevorrow l'admet simplement, en substituant ce plaisir avec un parc à thèmes high-tech qui fait froid dans le dos : la douce (relative) folie de ce Jurassic World, c'est d'avoir imaginé que le parc de John Hammond ait été un succès, plus d'une vingtaine d'années après les évènements de Jurassic Park. Émerveillés par les apparitions foraines de ces dinosaures, le public et le spectateur plongent dans le fantasme touché du doigt par le passé. Il y a d'abord une tentative d'essayer de recréer un merveilleux qui n'est pas si superficiel.
Là où le film est souvent gênant, c'est qu'il sert la soupe aux fans de la première heure, même s'il le fait plutôt bien dans ses premières scènes : c'est une conversation avec un pilote d'hélicoptère (en fait, l'investisseur principal) qui rappelle les rêves et les espoirs du premier parc et ce qu'ils essaient de recréer avec ce JW, mais aussi un échange avec un technicien (Jake Johnson de New Girl) qui essaie de raviver les consciences en insistant sur le fait que ces choses dérapent assez vite : cut sur Bryce Dallas Howard, bienveillante mais sans pitié qui anticipe parfaitement la maladresse de son employé. Quelque part, on essaie de nous dire que tout est sous contrôle, alors qu'on attend qu'une chose, c'est que tout dérape. Il y a presque un lien très respectueux avec le film de Spielberg où sont abordés certaines des problématiques importantes de la série (faire revenir à la vie des animaux, tâcher de les contrôler et les utiliser sous couvert de divertissement - une idée horrible parfaitement américaine).
Le prétexte du gros dinosaure génétiquement modifié est spectaculairement ridicule ; seul argument de vente de ce nouvel épisode (mis à part Bryce Dallas Howard, qui nous avait manqué), il est aussi original qu'une nouvelle étiquette sur un bidon de lessive. Le troisième épisode de Joe Johnston nous vendait déjà un reptile plus dangereux que le T-Rex. Quant à l'idée d'avoir Chris Pratt en 'dompteur' de vélociraptors, c'est une idée magnifiquement Z et casse-gueule : ils faut avoir foi en son projet pour oser se lancer dans un truc pareil. Si le film est complètement neuneu et improbable, l'équipe du film doit estimer qu'une fois la place de cinéma payée, on se met dans la même position que les visiteurs du parc : accepter de voir tout et n'importe quoi, comme des ptérodactyles à têtes de raptors par exemple. Pas de suspense, pas d'effrois, juste du dinosaure numérique qui rugit. Jurassic Park perd beaucoup de son impact en oubliant de faire peur. Chris Pratt roule des mécaniques comme un mâle alpha, le casting féminin est réduit à peau de chagrin et la majorité des tentatives d'humour tombent à plat, mais le rythme est suffisamment soutenu (dans ses maladresses) pour tenir la distance.
Le problèmes des Jurassic Park (une saga qu'on peut maintenant englober en un tout homogène, dans ses qualités et ses défauts), c'est qu'il n'y a aucune progression possible : Le Monde Perdu et Jurassic Park 3 ont tenté à leur époque de faire les choses différemment mais ce quatrième épisode abandonne en reprenant l'idée du premier roman/film avec un twist : "Et si tout avait fonctionné parfaitement ?". D'où la teneur épisodique permanente de cet épisode, qui ne parvient jamais à s'élever au-dessus de son statut de simple produit. Ce sera toujours la même chose. Les dinosaures s'évaderont toujours. Spielberg nous collera toujours des gamins dans les pattes. Un Jurassic Park ne sera jamais un grand film, même si le premier tutoie souvent les cimes pour sa scène de jeep renversée sous la pluie. Si on peut imaginer qu'une suite sera mise en chantier sous peu devant le succès colossal de Jurassic World au box-office mondial, l' "idée" fait elle aussi froid dans le dos.
Et congrats à Bryce pour avoir couru pendant tout le film en talons.