Une description détaillée de cinétique virale, de la durée d'excrétion du virus, du développement du virus dans différentes parties du corps, est recommandée afin de comprendre la pathogénèse du virus Ebola. Les patients atteints d'infections par le virus Ebola admis dans des hôpitaux universitaires fournissent une occasion unique d'investigations poussées sur le plan virologique. Nous décrivons ici le suivi clinique, biologique et virologique d'un cas de maladie à virus Ebola.
Un médecin de 43 ans, qui a contracté une infection à virus Ebola au Sierra Leone en date du 16 novembre 2014 (jour1) ; a été transporté par avion aux Hôpitaux Universitaires de Genève, Suisse, le 5 ème jour suivant le déclenchement de la maladie. Le patient a reçu un traitement antiviral expérimental avec des anticorps monoclonaux (ZMAb) et favipiravir. Nous avons suivi la cinétique de la charge virale quotidiennement, estimé la clairance virale, calculé la demi-vie du virus dans le plasma, et analysé la séquence du génome viral par séquençage à haut débit, en complément des signes cliniques et biologiques.
Le patient s'est rétabli rapidement, malgré une charge virale initiale élevée (environ 1x10 7 copies d'ARN viral après le début d'un épisode de fièvre). Nous avons noté une disparition de la charge virale en deux phases. La demi-vie du virus a diminué ; passant de 26 h à 9.5 h après le traitement antiviral expérimental. En comparaison de la séquence de consensus du 18 juin 2014, l'isolat responsable de l'infection de ce patient a présenté seulement cinq substitutions nucléotidiques synonymes sur le génome entier (4901A → C, 7837C → T, 8712A →G, 9947T→C, ) malgré cinq mois de transmission interhumaine.
Cette étude met l'accent sur l'importance des investigations en matière virologique dans la totale compréhension de l'évolution de la maladie à virus Ebola et de l'adaptation du virus. Quant à savoir si la disparition progressive du virus est due aux seuls effets de la réponse immunitaire, à un bénéfice additionnel du traitement antiviral ou à une combinaison des deux, cette question reste à élucider. Une analyse virologique poussée, ansi que des essais cliniques randomisés contrôlés sont nécessaires avant qu'une conclusion sur l'effet potentiel du traitement antiviral puisse être tirée. Manuel Schibler, MD, et al, dans The Lancet Infectious Diseases, publication en ligne en avant-première, 19 Juin 2015
Financement : Hôpitaux Universitaires de Genève, Office fédéral de la santé publique (OFSP), Agence suisse pour le développement et la coopération, Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNRS)