La question est presque universelle dans les grands groupes qui se voient condamnés à innover et cherchent fébrilement les meilleurs moyens d'y parvenir : un « lab d'innovation » est-il la solution ? Un article de Mary Wisniewski pour la revue American Banker propose une première réponse, qu'il me semble utile de compléter.
Le développement des « labs » est aujourd'hui une tendance impossible à ignorer dans les institutions financières car, a minima, ces installations sont souvent conçues pour capter l'imagination des visiteurs, comme le souligne, par exemple, le panorama de 7 d'entre eux que nous offrait récemment The Financial Brand. Mais, au-delà de l'effet de communication – vers l'extérieur ou à destination des collaborateurs – quel rôle peuvent-ils réellement jouer dans les stratégies d'innovation ?
Selon leurs défenseurs, ces espaces de créativité sont indispensables lorsqu'il s'agit d'ouvrir les esprits et de penser différemment, en dehors des vieilles habitudes de l'entreprise. Pour leurs détracteurs, au contraire, l'idée même d'isoler l'innovation dans un lieu dédié est une aberration puisque elle devrait être diffusée dans toutes les pores de l'organisation. Il y a aussi les observateurs extérieurs, qui estiment que ces efforts sont vains car les ruptures arriveront par les nouveaux entrants.
Les arguments des uns et des autres sont compréhensibles. D'un côté, comment envisager l'innovation dans un environnement où la priorité est mise sur la résolution des situations d'urgence (le lot commun des directions informatiques, entre autres) ? En face, comment les collaborateurs perçoivent-ils le déploiement d'un « lab » dans la Silicon Valley (pour prendre un cas extrême mais relativement courant), sinon comme un message totalement contre-productif affirmant que l'innovation n'est pas de leur ressort ?
En réalité, il est possible de mettre tout le monde d'accord, en considérant avec un minimum de rigueur la véritable finalité d'une telle initiative et la démarche à adopter pour l'atteindre. En effet, comme avec toute autre méthode d'innovation, il ne faut jamais se contenter d'une approche limitée à une brique autonome – dont, notamment, celle qui consiste à mettre en place un simple espace d'exposition technologique – mais bien inscrire le projet dans une politique globale et cohérente.
Une fois intégré dans une vision d'ensemble, le « lab » peut en effet apporter une valeur palpable, sans s'exposer automatiquement à tous les risques qu'y voient leurs opposants. Ainsi, si l'ambition est de développer une culture d'innovation dans l'organisation, il doit devenir un lieu de rencontre et d'échanges, ouvert à tous les collaborateurs, susceptible – grâce à une gouvernance optimisée – de les accueillir pour leur permettre de développer une idée, idéalement en dehors de toute contrainte opérationnelle.
Au-delà, naturellement, il conviendra de définir le fonctionnement de la « chaîne » d'innovation dans laquelle s'intègre le « lab » : comment sont sélectionnés les projets qui y entrent, dans quelles conditions ils se déroulent (délais, jalons de contrôle, instances de pilotage…), quelles suites peuvent leur être données, comment ils s'articulent avec les autres initiatives de l'entreprise… Ces modalités seront impérativement accessibles à tous, la transparence étant indispensable pour instaurer la confiance.
En amont, la définition d'une stratégie claire donnera les moyens de convaincre les décideurs de l'utilité de la démarche. En aval, elle fournira également les indicateurs permettant de mesurer ses résultats et valider sa performance. Sans elle, le « lab » deviendra un lieu perdu, rejoignant la litanie d'actions – petites ou grandes et plus ou moins coûteuses – menées pour suivre les modes et inéluctablement vouées à l'échec…