Partager avec vos amis...
De la microbiologie à la musique baroque : c'est le surprenant parcours de Johannette Zomer, soprano à la tête de l'ensemble Tulipa Consort, qu'elle a fondé il y a deux ans. Elle donnait samedi après-midi un concert de Bach avec le hautboïste Antoine Torunczyk ; elle nous a accordé une interview sous la voile de l'Abbaye-aux Dames, quelques heures après la représentation.
Vous avez commencé comme microbiologiste... C'est assez inhabituel en musique !C'est vrai que la marche à franchir a été assez haute... Ceci dit, quand j'étais au conservatoire, beaucoup de mes collègues faisaient de l'informatique, de la chimie, de la physique... On divise les études entre alpha (littérature, langues...) et beta (sciences dures) : or j'ai remarqué que beaucoup de personnes qui pensent " beta " jouent ou chantent du baroque. Vu sous cet angle, mon parcours n'était pas si étrange ! Mais évidemment, ça a été un changement de carrière majeur. Je travaillais dans un laboratoire - où j'étais d'ailleurs la seule autorisée à chanter avec la radio ! (rires) Mais après cinq ans, j'ai commencé à suivre des cours au conservatoire, juste une après-midi par semaine, pour essayer : après trois mois, je me suis dit " c'est décidé, ce sera ma nouvelle vie ", et j'ai quitté mon boulot.
Comment est venue votre passion pour la musique ?Dans ma famille, la musique était omniprésente : ma mère joue de l'orgue et du piano, et ma sœur aînée est allée au conservatoire - elle joue dans une chorale d'église. Et puis ma sœur s'est fait des amis qui jouaient en permanence. Et puis je me suis mise à la flûte traversière, j'ai donc commencé à les accompagner. Mais la musique est longtemps restée un passe-temps, parce que je pensais que je ne serais pas assez douée pour devenir professionnelle, et la vie de musicienne peut-être difficile - je le constatais en regardant ma sœur. Alors j'ai pensé qu'il valait mieux me trouver un " vrai " boulot... Mais s'exprimer par la musique est tellement enrichissant ! Il y a cette sorte de mouvement, de va-et-vient qui passe du public à l'interprète et de l'interprète au compositeur : en tant que chanteuse, je suis au centre de ce mouvement !
Comment vous êtes-vous préparée pour votre coopération avec Antoine Torunczyk ?Je le connaissais déjà, puisque je chante régulièrement avec elle. Alors nous savions déjà que nous correspondions l'un à l'autre. En musique, il faut parler la même langue, et c'est notre cas. Quand j'ai conçu ce programme, mon premier choix d'instrument supplémentaire s'est porté sur le hautbois, et j'ai pensé à Antoine, car il rend la mélodie de l'instrument très voluptueuse. Puis on en a parlé et je lui ai demandé ce que nous devrions faire, quel solo il aimerait jouer. Après cela, nous n'avons eu qu'à répéter, et comme nous nous connaissions déjà, nous n'avions plus qu'à faire en sorte que le reste de l'ensemble prenne le même cap que nous. Cela nous a demandé deux jours.
Toutes les coopérations sont-elles toujours aussi faciles ?Je dois souvent chanter avec des orchestres, ou avec des chefs d'orchestre que je ne connais pas toujours ; alors au début vous devez toujours faire attention, pour vérifier où vous en êtes et où en sont les autres avec leurs propres idées. Et puis, c'est le chef d'orchestre qui dirige : vous devez le suivre, même si sa manière de faire n'est pas la vôtre. Si c'est un bon chef, vous pouvez trouver un compromis. Mais parfois, il vous dira de faire les choses " comme ça, et pas autrement "...
Mais avec Antoine, nous avons pu sauter toute cette étape : nous savions ce que nous voulions raconter. Et ce qui est très sympathique avec quelqu'un comme lui, c'est qu'après avoir répété, quand vous vous retrouvez au concert, des choses totalement nouvelles se produisent : le tempo n'est plus le même, il ralentit soudainement à un endroit, et je le suis immédiatement. Et puis pour ce concert, je pouvais choisir avec qui jouer, puisque c'est mon ensemble !
Pourquoi avez-vous créé le Tulipa Consort, en 2013 ?Je l'ai fait parce que j'adore rassembler des gens autour d'une idée commune, pour transmettre au public ma propre idée de la musique. Et ça, on ne peut pas toujours le faire sans avoir son propre ensemble. Avec mon groupe, nous pouvons développer le son ensemble, ce qui est très agréable.
Avez-vous eu des difficultés pour former l'ensemble ?Vous savez, lorsque vous commencez, vous essayez une composition, et vous vous rendez-compte que malheureusement, une personne ne convient pas... Le groupe est encore jeune, et donc la composition change encore de temps à autre. Mais il commence vraiment à avoir un " groove " ; car même un ensemble baroque doit avoir un " groove " !
Propos recueillis par Mahel N'Guimbi
The following two tabs change content below.