Titre original : Dying Of The Light
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Schrader
Distribution : Nicolas Cage, Anton Yelchin, Alexander Karim, Irène Jacob, Aymen Hamdouchi…
Genre : Thriller/Drame
Date de sortie : 15 juillet 2015 (DTV)
Le Pitch :
Figure emblématique de la CIA, Evan Lake doit néanmoins faire face à une hiérarchie qui souhaite le mettre sur la touche. Une décision spécialement motivée par la maladie neurologique qui ronge Lake depuis quelques temps déjà et qu’il cherchait jusqu’alors à cacher. Néanmoins, quand un terroriste d’envergure porté pour mort refait surface, l’agent décide d’aller à l’encontre de ses supérieurs, et accompagné d’un jeune collègue, se lance à sa poursuite…
La Critique :
À l’origine, Dying of the Light devait être réalisé par Nicolas Winding Refn et porté par Harrison Ford. En cours de route, le réalisateur a préféré quitter le navire, restant néanmoins à la production. Harrison Ford pour sa part, fut remplacé par Nicolas Cage. Aux manettes, c’est Paul Schrader qui prit les choses en main. Un pointure, rappelons-le, responsable de films comme Hardcore, et Affliction et auteurs des scénarios de Taxi Driver, Raging Bull, Mosquito Coast, ou encore À Tombeau ouvert. Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Une fois le tournage terminé néanmoins, le studios Lionsgate a décidé, on ne sait pourquoi, de remonter, mixer et éditer Dying of the Light sans l’avis du cinéaste. Ce dernier, furieux, se désolidarisa du projet, suivi par Nicolas Cage, Nicolas Winding Refn et Anton Yelchin, également présent au générique. Illustrée par un montage photo montrant les acteurs, le réalisateur et le producteur affublés d’un t-shirt imprimé d’un texte expliquant qu’ils n’avait pas le droit de dire du mal du film, la virulente campagne de sape eut son petit effet, en cela qu’elle fit le tour du web. Pour résumer, Paul Schrader ne veut pas que vous voyez ce film. Nicolas Cage non plus, ainsi que tous les autres. Produit bâtard, à la genèse chaotique, Dying of the Light, rebaptisé La Sentinelle chez nous, se pose alors comme le symbole d’une industrie parfois très impersonnelle, dans laquelle les créatifs, aussi notoires soient-ils, n’ont pas le droit à la parole quant à leurs créations.
Bon… Que faire quand ceux qui ont fait le film nous affirment qu’il ne faut pas le voir ? Et bien, justement, curiosité aidant, il peut être instructif d’aller à l’encontre des avertissements et de se forger sa propre opinion. Concernant Nicolas Cage, les mauvaises langues affirmeront que sa filmographie compte de nombreux longs-métrages franchement limites au sujet desquels l’acteur ne nous a pas averti et que si ici, il a pris la peine de l’ouvrir, c’est que le résultat doit vraiment être catastrophique. Ce qu’il faut néanmoins comprendre, c’est qu’il s’agit avant tout d’une question de principe et qu’il faut vraiment souligner le courage de Cage, de Schrader, de Yelchin et de Refn, de se dresser si ouvertement face à un studio susceptible de ne plus les embaucher dans l’avenir.
Mais toutes ces considérations mises à part, que vaut vraiment La Sentinelle ?
Difficile de savoir à quoi aurait ressemblé le film désiré par son créateur. Ce que nous avons sous les yeux aujourd’hui ressemble à un thriller plutôt classique, dont la principale caractéristique remarquable est de baigner dans une atmosphère plutôt lourde, inhérente à l’état de santé de son protagoniste principal. Evan Lake, la légende de la CIA que campe Nicolas Cage est en effet affectée d’un mal dont les symptômes s’apparentent à de violents changements d’humeur et à divers troubles neurologiques. Dès lors que le toubib explique à Cage de quoi il souffre, impossible de ne pas se dire que le comédien va saisir au vol l’occasion de se livrer à un numéro freestyle dont lui seul à le secret. Pour autant, on peut affirmer, vu les circonstances, que Cage reste sobre. Bien sûr, à une ou deux reprises, il pète un plomb et rue dans les brancards avec la flamboyance dont il sait faire preuve, mais c’est surtout la mélancolie qui prime. Plus l’histoire avance et plus l’ancien héros d’une Amérique en laquelle il ne croit plus vraiment, oublie des choses. Des détails en premier lieu, puis des trucs plus importants. Plutôt maladroit, le scénario (réécri donc) n’arrive pas vraiment à illustrer sa détresse, mais le talent de Nicolas Cage pour incarner des âmes brisées limite la caisse. Affublé d’une coiffure poivre et sel (plus sel que poivre), l’acteur porte à bout de bras un film à l’image de son personnage, c’est à dire cassé. À bien des égards, le montage plutôt chaotique sabre les bonnes intentions mais une bonne connaissance du style de Paul Schraeder permet de déceler sa patte ainsi que les thématiques désirées, ici ou là, parmi les restes d’un script bousillé. Plus qu’un simple film d’espionnage, d’action, et même plus qu’un drame classique, La Sentinelle a été pensé comme la plongée aux enfers d’un homme seul, perdu dans les méandres d’un passé qui a fini par le rattraper en prenant la forme d’un mal incurable.Plutôt excitant sur le papier, surtout compte tenu des forces en présence, le métrage aurait pu faire beaucoup d’étincelles. La réflexion acerbe sur l’Amérique post-11 septembre et sa place dans le monde, s’est transformée en thriller classique, qui s’avère plus qu’à son tour bordélique, et se mord la queue pour se terminer un peu en eau de boudin.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport