En haut, à droite, manchette sur l'article sur les ennuis judiciaires de Victor Hugo Morales
Depuis
des années,le juge Claudio Bonadio instruisait, à Santa Cruz, un dossier
ouvert contre Cristina Kirchner et ses deux enfants, héritiers de
leur père, mort en octobre 2010.
Il
vient d'être dessaisi par la première Chambre fédérale qui
critique durement son enquête et son attitude partiale ainsi que son
récent et aberrant recours à la police locale de la Ville Autonome
de Buenos Aires pour effectuer une perquisition dans une installation
appartenant à Hotesur, le groupe hôtelier familial, fondé par le
couple Kirchner dans la Province de Santa Cruz, pour développer le
tourisme en Patagonie, terre natale de Néstor Kirchner. La Chambre
fédérale constate que le juge d'instruction a violé les droits de
la défense dans les actes qu'il a conduits.
Envoyer
dans une Province X une police répondant aux ordres du gouverneur
d'une Province Y est une manœuvre surprenante et pour le moins
irrégulière dans un Etat de droit. Qui plus est, cela a coûté une
coquette somme aux contribuables portègnes, qui n'ont rien demandé
de semblable (450 000 pesos pour transporter les policiers dans le
sud dans l'un de ces luxueux cars qui assurent couramment les
liaisons routières nationales et internationales) (1).
Tout en haut : le face à face électoral à Buenos Aires
les deux candidats encadrent le titre du quotidien
En gros titre sans photo : l'article sur Claudio Bonadio
en dessous, une députée qui allaite en session
En haut à droite : l'ouverture de la cinquième saison de Tecnópolis
le parc d'attraction consacré aux sciences et aux technologies dans la banlieue de Buenos Aires
La Chambre fédérale a listé une série d'erreurs de procédure et d'arguments tirés par les cheveux, uniquement motivés par la volonté politique de nuire au Gouvernement et à l'image du chef de l'Etat. Cela faisait des mois que la majorité réclamait le dessaisissement de ce juge, accumulant les arguments juridiques et procéduraux et prenant l'opinion à témoin.
Le schéma du scandale Hotesur supposé
tel que La Nación l'a publié en illustration de son article ce matin
Cliquez sur l'image pour lire le schéma
Toutefois, la révocation du juge n'emporte pas la fermeture du dossier. La Justice devait tirer au sort dans la matinée le nom du nouveau juge d'instruction et le sort a parlé : c'est Daniel Rafecas qui reprend l'affaire. Inutile de vous dire que l'opposition ne décolère pas. Daniel Rafecas, c'est ce juge fédéral qui a prononcé le premier non-lieu en faveur de Cristina, de son ministre des Affaires Etrangères, Héctor Timerman, et de plusieurs autres personnalités politiques, à la suite du réquisitoire fantaisiste du défunt procureur Alberto Nisman, repris à son compte par son confrère, Germán Moldes, non-lieu qui a été confirmé à deux reprises, en appel puis devant la Cour de Cassation.
Voilà donc coup sur coup, je vous en parlais encore avant-hier, trois procès pour des faits supposés de corruption, de concussion, voire de haute trahison, conduits contre la personne de la présidente et par une magistrature dont on sait la majorité inscrite depuis longtemps dans une droite oligarchique (2) à la tradition démocratique encore très précaire, trois procès qui volent en éclats. Rien ne tient bien longtemps la route. L'avenir nous dira ce qu'il en est des accusations de blanchiment de pots-de-vin qui serait la vraie raison d'être du groupe Hotesur et de son hôtel situé à El Calafate, la très belle station d'altitude de Santa Cruz que Néstor Kirchner aimait tant.
Une dominante fait divers pour la une de Clarín
Au même moment, le groupe Clarín obtenait de la justice une très spectaculaire perquisition matinale chez un très grand journaliste, Victor Hugo Morales, qui ne cache pas son soutien au présent gouvernement et vient de publier un brulôt contre Clarín et La Nación, où il accuse les deux quotidiens de droite de mentir délibérément dans leurs colonnes pour discréditer un gouvernement démocratiquement élu, ce qu'il assimile à un coup d'Etat par voie de presse et une opération d'abrutissement des citoyens argentins. Voilà plusieurs années que Clarín poursuit ce journaliste de sa vindicte et cherche à le faire condamner pour avoir commenté en 2001 un match de foot international (entre un club argentin et un club espagnol) sur un média concurrent de Clarín alors que le groupe médiatique en avait acheté l'exclusivité des droits de retransmission. Ils ont la rancune tenace, à la direction de la holding, non ?
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 sur le dessaisissement du juge, qui fait sa une lire l'article de Página/12 hier sur le recours à la Police Métropolitaine dans les actes d'instruction à Santa Cruz (dont le Gouverneur est un kirchnériste fidèle, ce qui rendait sans doute la police provinciale suspecte aux yeux du juge) lire les déclarations, très colorées, du Permier ministre, Aníbal Fernndez, sur cette entorse à la procédure : elles visent Mauricio Macri et le ridiculisent en bonne et due forme lire l'article de Clarín lire l'article de La Nación sur l'arrêt de dessaisissement lire l'article de La Nación sur l'analyse technique du document qui rend très difficile sa cassation en droit pénal lire l'article de La Prensa sur le dessaisissement du juge lire l'article de Clarín sur la nomination dans la matinée du juge Rafecas.
Sur l'affaire connexe du match de foot commenté par Victor Hugo Morales : lire l'article de Página/12 lire l'article de Clarín (vous imaginez que ce n'est pas tout à fait le même son de cloche).
La Nación a pris la chose sur un tout autre plan, en s'en prenant à une émission de télévision de la chaîne publique où un hommage a été rendu au journaliste ainsi poursuivi par la Justice portègne Notez que Clarín revendique des "droits de propriété intellectuelle" dans cette affaire alors que le match a opposé Boca Juniors et le Real de Madrid et que le groupe n'a acheté que des droits de retransmission... Depuis quand des droits de retransmission correspondent à de la propriété intellectuelle ? Des arguments ahurissants !
(1) C'est le Premier ministre portègne sortant, Horacio Rodríguez Larreta, actuel candidat néolibéral au poste de Chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, qui a reconnu avoir mis gracieusement à la disposition du juge les forces de police de la Ville et le montant de la dépense imputée au budget municipal. Le second tour de l'élection est pour dimanche prochain... Cela aura-t-il un impact sur le scrutin ? Ce n'est pas sûr, vu la manière dont la presse de droite présente les choses. (2) C'est le terme consacré pour désigner la classe possédante, très majoritairement agraire, en Amérique du Sud. Une classe sociale qui n'a jamais adoptée la modernité de la classe capitaliste européenne, qui a puisé ses traditions dans la révolution industrielle, et qui continue à penser en termes de production de matière première à livrer à l'exportation au plus offrant, sans aucun investissement dans l'industrie de transformation qui continue à faire terriblement défaut à ces pays pour équilibrer leur balance commerciale, aménager les territoires nationaux (les usines urbanisent leur voisinage, ce qui fait construire des dispensaires, voire un hôpital, une école, des infrastructures sportives et culturelles, des routes et des commerces de proximité) et contribuer à répartir les richesses sur les différentes classes sociales. Or ces points constituent l'un des axes de la politique conduite depuis décembre 2003 par les Kirchner mari et femme qui ont fait grossir la classe moyenne, malgré les nombreux obstacles dont cette droite patronale parsème leur route.