Le successeur du F-16 Fighting Falcon semble se diriger tout droit vers un mur. Est-il trop tard pour éviter de s’embourber dans ce gouffre financier?
On pourrait comparer l’évolution du F-35 à l’œuvre de plusieurs docteurs Frankenstein qui ne se seraient jamais consultés, en travaillant cependant sur le même corps.
Depuis ma tendre enfance, j’ai toujours affectionné les avions, avec comme rêve secret, de pouvoir un jour les piloter. Aujourd’hui, c’est toujours les yeux pleins d’émerveillement que je regarde les derniers modèles de chasseurs évoluer dans le ciel dans des manœuvres qui étaient jusqu’à présent impossibles à réaliser.
Malheureusement, une ombre gigantesque est en train d’obscurcir ce beau tableau, celui d’un projet gargantuesque qui aura peut-être raison de certaines compagnies américaines, voire même de notre budget, le F-35.
Depuis les premières évolutions aériennes du Lockheed Martin F-35 Lightning II, les problèmes n’ont cessé de s’accumuler à un rythme alarmant. On pourrait comparer l’évolution du programme F-35 à l’œuvre de plusieurs docteurs Frankenstein qui ne se seraient jamais consultés, en travaillant cependant sur le même corps.
Rapide rappel des faits
C’est en 1996 avec le programme Joint Strike Fighter (JSF), dont l’objectif était de créer l’avion multi rôles du futur, que tout a commencé. Soutenu par l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Italie, les Pays Bas, la Norvège, la Turquie, le Royaume-Uni et les États-Unis (d’autres clients comme Israël, la Corée du Sud et le Japon sont aussi membres de l’aventure), ce projet aéronautique est jusqu’à présent le plus onéreux jamais entrepris au monde. On parle en effet d’un coût total de développement, d’opération et d’achat de plus de 1,45 billion de dollars (mille milliards) sur les 50 prochaines années! Ce véritable gouffre financier n’est pas prêt de se refermer lorsque l’on s’informe sur les derniers développements de cet avion qui a, d’ores et déjà, beaucoup de plomb dans l’aile. À ce titre, l’Australie vient d’annuler tout récemment sa commande pour la version embarquée de l’avion américain. Un très mauvais signe.
Le F-35 Lightning II et le F-16 Fighting Falcon côtes à côtes (Photo : US Air Force).
En début d’année, le F-35 Lightning II a été mis au défi du combat rapproché face à l’avion qu’il est supposé remplacer, le F-16 Fighting Falcon, un des meilleurs chasseurs multirôle développé par les Américains dans les années 1970. Là où le bât blesse, c’est lorsque l’on apprend que le dernier né s’est fait battre à plat de couture par son aïeul. Le F-35 est en effet fort efficace, mais uniquement lorsqu’il ne s’est pas fait détecter et qu’il se tient hors de portée des canons de son ennemi.
Des choix stratégiques plus que douteux
Évidemment, lorsque l’on choisit de concevoir l’avion du futur, on s’arrange pour analyser le contexte mondial dans lequel il évoluera et les missions qu’il devra remplir. Pour certaines éminences grises derrière le projet, l’avion n’aura pas besoin de s’engager dans des joutes au canon, car les prochains conflits n’engageront pas des pays dans des guerres ouvertes. Les missions seraient donc majoritairement des missions de frappes ou d’interdiction aériennes ne mettant pas l’avion en danger à courte portée. De plus, ses capacités furtives sont censées donner à l’appareil un avantage en combat déterminant, à condition qu’il reste bien évidemment discret.
Un F-35A à la base Edwards Air Force en Californie (Photo : US Air Force).
Malheureusement, la furtivité, même si elle comporte de clairs avantages, ne sera pas le focus des prochaines percées technologiques. Les contre-mesures électroniques, les radars ultra-performants et l’avionique embarquée de pointe auront raison des quelques formes furtives de l’appareil d’ici peu de temps. Le concept est donc destiné à frapper un mur très rapidement. Lorsque l’on sait que l’appareil aura une durée de vie d’au moins 50 ans, ça sent tout de suite très mauvais.
C’est quoi son problème?
Le principal problème du F-35 est qu’il en a une multitude, malgré les milliards qui ont été investis. En voici quelques-uns des plus marquants qui devraient tirer assez de sonnettes d’alarme pour que notre gouvernement fasse, pour une fois, preuve de bon sens et retire ses billes avant le fiasco annoncé.
- Un moteur sous puissant, qui ne permet pas à l’appareil de se désengager lors de combats rapprochés
- Un canon embarqué impossible à tirer (avec plus de 20 millions de lignes de codes, les informaticiens de Lockheed Martin n’ont toujours pas réussi à intégrer les commandes de tir et ne pourront pas le faire avant 2019!)
- Un nombre limité de balles. Disposer d’un canon General Electric capable de tirer 3 800 obus la minute c’est génial, mais quand on peut juste en charger 180, c’est plutôt moyen.
- 10 missiles pour seule défense ce qui signifie qu’en cas d’engagement à courte portée, il sera très difficile pour le pilote de se défendre.
- Des capacités VTOL (vertical take of and landing, ou atterrissage et décollage verticaux) incertaines et coûteuses.
- Un casque de pilote bourré de capteurs et d’afficheurs trop gros pour que le pilote tourne la tête dans son cockpit doublé d’une visibilité arrière nulle.
- Le plus gros et le plus complexe logiciel embarqué (plus de 20 millions de lignes de code) qui imposera des mises à jour fréquentes avec des risques de bogues multipliés et des avions non optimaux, voire cloués au sol.
- Grosse vulnérabilité des réservoirs d’essence en cas de dégâts, car entourés de matériaux inflammables (comparez le moteur à une énorme torche entourée d’essence)
- L’avion n’est pas prêt au combat et encore moins d’être autorisé à prendre part aux opérations (2 à 3 ans minimum encore)
- Une multitude de rapports faits par des ingénieurs et militaires chevronnés qui soulignent la dangerosité de l’appareil et son inhabilité à remplir ses missions.
Et ce ne sont que quelques-unes des inepties qui entourent le programme militaire le plus coûteux de l’Histoire (plusieurs centaines d’appareils ont déjà été achetés par les Américains, mais aucun n’est officiellement en opération). Le plus triste là-dedans est qu’il est désormais trop tard pour faire machine arrière (du moins pour les Américains). L’abandon du programme coûterait malheureusement encore plus cher aux citoyens états-uniens.
Il ne reste plus qu’à espérer que le gouvernement canadien choisisse une autre option pour le bien-être de ses pilotes et de ses contribuables et ce ne sont pas les choix raisonnables qui manquent (Typhoon Eurofighter, Dassault Rafale, etc.)