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De tout temps et de tout art, il est une récurrence chez les grands artistes de trouver trace d’un sommet, d’une apogée au sein d’une carrière. Exemples bêtes: Le Parrain pour Coppola, La Joconde pour De Vinci, Music in the Key of Life pour Stevie Wonder ou encore Brésil 2006 pour Zidane.
Toutes proportions gardées, les australiens de Tame Impala viennent sans doute d’atteindre leur nirvana par le biais de Let It Happen, premier extrait de leur nouveau bébé, Currents.
Let It Happen
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Morceau fleuve, fresque musicale de huit minutes et introduction du dit album, il vient balayer d’emblée la traditionnelle question d’après succès: peuvent-il confirmer et faire mieux que le précédent disque ?
Il faut dire que Lonerism avait frappé fort dans nos petits cœurs, encore plus fort qu’Innerspeaker qui lui aussi avait su pourtant faire parler de lui et introduire Tame Impala parmi les bands les plus fascinants et créatifs de la planète. Mais ce n’était visiblement que le début car oui, ils ont été capable de faire encore mieux.
En effet, Currents ne repose pas seulement sur un immense titre qui aurait pu être suivi de quelques autres très intéressants, non, il est un album complet, fourni et impeccablement travaillé. Il est le résultat de plusieurs années de recherches et de franchissement d’étapes pour parvenir à la perfection aux oreilles de la tête pensante, Kevin Parker.
Le chanteur-compositeur de la bande est l’unique artisan de l’œuvre et a atteint ce que tout créateur musical recherche un jour: son « son ». Il y a désormais une patte « Parker/Tame Impala » que l’on pourrait résumer par un savant mélange entre pop synthé, rock psyché et filtres électro-disco, rien que ça. Si elle était déjà décelable dans le passé, elle est aujourd’hui totalement reconnaissable en quelques secondes.
Les plus grands producteurs ont déjà connu ça un jour, que ce soit Dre, Kanye West, Brian Wilson, Timbaland, Quincy Jones ou Phil Spector, cette sensation de tout pouvoir transformer en or sans sourciller. Et si Parker n’en n’est pas encore là, il n’en est vraisemblablement plus très loin alors.
Ici tout fait mouche ou presque et pourrait se muer en tube pop sur un album lambda. Le funky-discorock The Less I Know The Better, le rock aérien d’Eventually et le vintage The Moment en tête de peloton.
Sauf que là, ils se font échos pour réaliser un ensemble dense et cohérent de bout en bout. Dans chaque titre il y a une portion qui rappelle un passage d’une précédente track tout en se renouvelant quand même à chaque fois et sans jamais paraître répétitif. Tout se ressemble mais tout est différent. Fort.
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Cependant, il faut reconnaître qu’il s’agit d’une musique bourrée d’artifices qui peut vite devenir indigeste. Tout est très synthétique, il y a des multitudes de couches se superposant les unes aux autres et il faut vraiment aimer ça pour ne pas rendre le plat. De fait, les performances vocales sont toujours au second plan et ne servent qu’à remplir le vide. La mélodie vit sans la voix et n’est pas dépendante d’elle. Une astuce de studio pour planquer le style haut perché mais manquant de pêche de Kevin Parker, même s’il parait moins introverti qu’auparavant. La curiosité est tout de même de mise pour voir comment établir un certain équilibre en live, lui n’étant pas forcément réputé bête de scène mais qui devra quand même vendre l’âme de sa musique.
On peut également parfois se demander si la création tout en boucle ne tourne pas à l’exercice de style très scolaire tant rien ne dépasse du cadre sur certains titres. C’est le cas de Past Life et de Paranoïa, deux morceaux – surtout le premier – n’étant pas sans rappeler le dernier album de Daft Punk, dont l’influence est très palpable tout du long. Le même problème s’était posé pour les robots, dont la musique trop propre manquait parfois cruellement de folie dans leur hommage au disco. C’est la métaphore de cet élève brillant pour apprendre une formule mathématique par cœur mais incapable de créer devant son sujet d’invention au bac de français.
Bon là, l’analogie est moins forte car le groupe sait aussi lâcher la bride par moment, grâce à leur background rock (sans doute apporté par le satellite Pond, autre groupe australien dont certains membres de TI font partie et que Parker produit) que l’on retrouve sur le déjà nommé Eventually ou le trop court mais jouissif Disciples.
Eventually
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Trois albums, le nouveau toujours meilleur que le précédent, voici quelque chose de réjouissant et si on ne peut pas encore parler de totale perfection pour Currents, nul doute que le prochain s’en approchera encore un peu plus et peut être même l’atteindra. Kevin Parker a le talent pour en tout cas. Et puis si ce n’est pas le cas, pas grave, ce qui aura été accompli jusqu’ici est déjà largement suffisant. Et notamment ce Let It Happen pour la postérité.
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