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" Accordeur de clavecin, c'est un métier qui n'existe pas ". Ayumi et Lucille le font pourtant par vocation et passion. En arrière-boutique, un travail de fourmi, tel un kiné, penché sur le corps de son patient, ses chevilles, son ossature, ses nerfs. Méticuleusement, elles travaillent pour plus de justesse, sans quart de ton.
Elles ont accepté de venir à l'Abbaye aux Dames pour aider un peu les musiciens. Entre deux concerts ou répétitions, elles se précipitent sur les instruments. L'une se penche sur le clavecin, l'autre fait régner le silence dans la salle. Les changements de température et les déplacements des instruments font " tout bouger " ; clavecins et orgues sonnent faux, il faut les recalibrer sans cesse.
Si Lucille est originaire de la région, Ayumi n'est en France que depuis sept ans. Cette consommatrice de légumes a quitté le Japon " pour étudier la musique française ". Elle voudrait aujourd'hui rejoindre Paris pour jouer du clavecin avec des chanteurs. Étudiante, comme sa collègue, à Poitiers, Ayumi voit aujourd'hui la capitale comme l'un des meilleurs lieux pour monter les projets qui lui tiennent à cœur.
Lucille, elle, se destine au professorat. Passionnée par la période médiévale, elle vient de recevoir son Diplôme d'Enseignant en clavecin. À la rentrée, elle va pouvoir donner quelques cours. Lucille n'est toutefois pas très optimiste quant à l'avenir de sa profession. Elle n'a pu recevoir que six petites heures de travail. Depuis la baisse du budget des mairies, beaucoup d'entre elles " décident que l'argent nécessaire aux conservatoires est trop compliqué à compenser, du coup, elles ne le font pas ". De nombreux professeurs partent à la retraite et ne sont pas remplacés. Lucille, pour vivre, est obligée de multiplier emplois et concerts.
" Être musicien, c'est avoir ses réseaux partout où on est passé " chaque rencontre compte, chaque concert compte. Lucille et Ayumi l'ont compris depuis déjà longtemps. Les deux jeunes femmes ont donc multiplié leurs atouts. Lucille s'est mise à l'orgue, instrument dont le répertoire est assez proche de celui du clavecin et Ayumi est accordeuse dans divers festivals.
Entre deux accords, Lucille et Ayumi s'offrent une petite pause en duo. Depuis le début du festival, il est rare de voir l'une sans l'autre. Leurs passions les rapprochent. La musique baroque, les instruments anciens, mais aussi la danse de cette époque et la littérature qui en traite, tout est sujet à conversations passionnantes. Faire de la musique ancienne, c'est être passionné de l'époque. Toutes deux clavecinistes depuis l'enfance, elles se connaissent depuis cinq ans. Discrète, Ayumi parle peu, elle pense ne " pas parler très bien français ". Lucille la voit cependant comme une collègue fantastique. " On s'entraide constamment, on apprend l'une de l'autre, c'est important ". Petits conseils sur le tas, aide sur corde qui vibre trop, chaque instant permet de se former. C'est peut-être pour ça qu'elles sont venues au festival. Au final, accordeur, c'est un métier qui s'apprend tous les jours.
Cécile Tessier
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