Colonialisation des pays d'Europe par la finance : qui après la #Grèce ?
Aujourd'hui, notre pays a validé l'accord de Bruxelles sur la Grèce à une écrasante majorité. L'Assemblée nationale l'a approuvé par 412 contre 69 voix et le Sénat par 260 voix contre 23. Le détail des votes des députés est visible ici. Laissez moi vous dire pourquoi ce soir, je suis ulcéré au point de m'être lâché sur twitter en disant haut et fort que j'avais honte d'être français.
Tout d'abord, je pense que cet accord ne sert à rien, qu'il est mauvais, que je ne suis pas le seul à le penser de par le monde, et que c'est franchement reculer pour mieux sauter. Car son contenu (quand on le connait...) est si insupportable pour le peuple grec et intenable pour les institutions de ce pays qu'on devra fatalement se reposer la question dans un laps de temps plus ou moins court. Tsipras l'a d'ailleurs dit à sa façon, certainement plus informé que moi (que nous) : " J'assume mes responsabilités pour toute erreur que j'ai pu commettre, j'assume la responsabilité pour un texte auquel je ne crois pas mais je le signe pour éviter tout désastre au pays " . Comment en effet, à moins d'être totalement déconnecté des réalités, pourrait-on à sa place oublier que de sa position dans des négociations (qualifiées par beaucoup de pistolet sur la tempe) dépend le fait que des êtres humains, dans le pays qu'on a l'honneur de diriger, puissent manger à leur faim, et donc pourront le plus rapidement possible retirer librement de l'argent de leur banque ? Bien sûr, ne pas voter pour cet accord aurait été les priver d'une manne de 80 milliards d'euros... Oui, mais pour quoi faire, et à qui ce plan profitera-t-il ? Si vous aviez un doute, il sera levé bien vite ci-dessous.
Rappelons ensuite quels sont les effets des multiples plans qualifiés si cyniquement de sauvetage de la Grèce... Il y en a 8 en tout, avec les résultats que l'on sait : un chômage qui a augmenté de près de 30 %, alors que dans le même temps 77% de l'argent du précédent plan de sauvetage de la Grèce a bénéficié directement au secteur de la finance, une réduction des salaires de 40 à 50%, des soupes populaires organisées midi et soir sur les places publiques, des enfants qui s'évanouissent à l'école parce que leurs parents ne peuvent plus leur payer à manger, un manque de médicaments et notamment d'antibiotiques, une augmentation de la mortalité, l'explosion du sida, de la toxicomanie et de la prostitution.... " La santé de base n'est plus assurée, plus de 30% de la population n'a plus accès à la sécurité sociale ( source). Et une explosion des suicides, dont une étude britannique révèle qu'elle est étroitement corrélée à la logique austéritaire, qui fait honte à notre société européenne dite avancée. Les grecs qui sont les premiers concernés - il est utile de le rappeler pour les têtes d'œufs qui prétendent mieux savoir qu'eux ce qui est bon pour eux - ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui au dernier référendum ont voté clairement contre le dernier plan proposé. C elui-ci est encore pire, et on devrait s'en féliciter? Quiconque prétend soutenir le peuple grec devrait se souvenir de ce référendum, et en respecter le résultat.
Même des acteurs de premier plan, dont Krugman (prix nobel d'économie), et des organes de presse pas franchement gauchistes comme le New Yorker qualifient ce plan d'humiliant pour la Grèce. Et l'on voudrait que je sois pour ? Avant cette histoire, j'étais contre la sortie de la Grèce de l'Europe. Mais quand on assiste comme je l'ai fait au jour le jour à l'évolution de la situation, et surtout à l'incroyable violence et au cynisme des institutions européennes, qui ne font que privilégier la préservation des intérêt économiques dominants, en se satisfaisant de la perspective de la vente à la découpe de la Grèce, j'en arrive, c'est dire, à souhaiter le fameux grexit tant honni... Beau résultat de cette Europe là sur le moral des européens. De plus, je ne peux m'expliquer autrement que comme un acharnement politique le sort que l'on entend réserver aux grecs, dont cette accord particulièrement régressif est une illustration. Car enfin, soyons pragmatiques un instant. Comment justifier un plan si mortifère, si répressif pour le peuple grec (au point de se mêler de sa propre justice !), quand on sait que, pour rependre les arguments de nos adversaires politiques, le poids de la dette par habitant est de 29000 euros en Grèce, quand il est de... 31000 euros par habitant en France, de 35000 en Italie, de 38 000 en Belgique ? Ceux qui s 'intéressent au sujet ne peuvent en outre que convenir de ce que ce pays est l'un de ceux qui a fait ces 5 dernières années l'effort de réduction des dépenses publiques le plus ahurissant, qui en aurait mis à terre plus d'un... Ce plan se révèle donc là, par ce simple argument, d'une orientation politique répressive détestable et incohérente. De plus, même les arguments libéraux, dans ce cas de figure, ne tiennent plus puisque en matière de vitalité économique, chacun sait que plus on étrangle un peuple, moins la croissance et au rendez vous.
Au passage, j'en profite pour dire merci à Tsipras qui a réussi à faire en sorte que le fonds de garantie de 50 milliards prévu dans ce plan soit basé en Grèce et non... au Luxembourg !
" Les actifs grecs de valeur seront transférés à un Fonds indépendant qui les monétisera par des privatisations ou d'autres moyens ".Ce Fonds devra générer 50 milliards d'euros, dont 50% serviront à recapitaliser les banques grecques au bord de l'asphyxie financière. 12,5 milliards serviront au désendettement et 12,5 milliards pour des investissements.Ce Fonds sera basé en Grèce et sera géré par les autorités grecques sous la " supervision " des autorités euroépennes.
Aussi, face à la perspective de l'adoption de ce plan d'aide à la Grèce qui fait tant polémique, la seule question qui vaille à mon sens est celle-ci : est-ce que celui-ci va améliorer la condition des grecs ? La réponse est bien évidemment non quand on connait le contenu réel de cet accord, plutôt que la propagande qui en est faite. je le répète, les voix les plus pertinentes et compétentes à travers le monde l'ont déjà dit, cet accord est mauvais, c'est une humiliation pour le peuple grec, et il ne résoudra rien sinon à perpétuer une logique austéritaire qui a déjà asséché ce pays, et appauvri ses habitants. Enfin, pour terminer un billet certainement trop long qui de surcroit ne répond pas à toutes les questions en la matière (mais comment le pourrait-il ?), je terminerai par l'incroyable tartufferie qu'il y a de prétendre lutter contre la finance internationale, de soutenir le peuple grec, en votant pour (au pire), et au mieux... en s'abstenant, ce qui ne m'est jamais apparu comme une preuve de courage politique. Poke à...