Premières impressions du Venezuela
Quand Vanessa m'a demandé d'écrire un article sur mon voyage au Venezuela, je ne savais pas trop par quel bout aborder cela. Finalement, dans la ligne que je me suis choisi pour mon blog Les vents nous portent, je parlerai simplement de mon ressenti très personnel. Je vous considère chers lecteurs suffisamment intelligents pour avoir autant envie de plonger dans un témoignage comme le mien que dans une liste des 10 plus belles attractions du Venezuela. Je ne tricherai donc pas et vous donnerez mon impression sur un pays dans lequel j'ai passé un très bon moment. Vous pouvez lire ici les articles que j'ai publié sur le Venezuela.
Je suis parti au Venezuela en 2011 dans le cadre de mon travail. Je suis musicien. L'Alliance Française nous avait invité avec mon groupe à effectuer une tournée de cinq dates dans le pays : Caracas, Puerto La Cruz, Merida, Barquisimeto, Valencia. Dix jours, autant dire rien. Dix jours en tournée, autant dire voir le pays comme aucun touriste ne le verra. 10 jours cependant d'une belle intensité. Tourner avec un groupe à l'étranger, c'est voir du pays et rencontrer beaucoup de monde : les membres des alliances françaises, les organisateurs des concerts, les festivals, les traducteurs, les chauffeurs, le public... Mais c'est aussi ne rencontrer bien souvent qu'une partie de la population, celle plutôt favorisée, éduquée et pour le Venezuela : anti-chaviste. Vous l'aurez compris, j'ai passé principalement mon séjour à faire des concerts et à discuter avec les gens. Pour les conseils touristiques, il faudra donc repasser.
Il y a 4 ans, Chavez était encore en vie et au pouvoir et il était impossible de ne pas le remarquer. Partout dans le pays la propagande jouait son refrain entêtant : Que viva la revolucion ! Que viva el Bolivarismo ! Partout Chavez, sur les murs, les panneaux publicitaires, les autoroutes, les villes, les campagnes, partout de grandes fresques à la gloire du commandant et des différents programmes sociaux de son gouvernement. Je n'avais jamais connu cela, un pays sous une propagande aussi poussée. Mais c' était à peu près l'idée que je me faisais du culte de la personnalité cher aux propagandes communistes du bon vieux temps. Il semblerait que certaines méthodes de communication fonctionneront toujours pour avilir la population et la rendre docile.
Mais il faut bien se dire que le communisme n'a pas le monopole de l'utilisation poussée de la propagande, loin de là. Nos démocraties ont détourné les règles du jeu pour les rendre peut-être plus subtiles, mais le principe de base reste le même : marteler des idées, justes ou fausses, jusqu'à plus soif, elles finiront quoi qu'il arrive par devenir vérité.
Cela dit, j'avais de primes abords une vision plutôt positive d'Hugo Chavez, je connaissais les avancées qu'avait connues le pays depuis son accession : augmentation du niveau de vie et accès à l'éducation des classes populaires, différents démarrages de programmes sociaux, sa position ferme vis-à-vis des Américains contre leur goût prononcé pour asservir les pays d'Amérique latine...
Je n'allais donc rencontrer pratiquement que des anti-chavistes et leur opinion allait être intéressante à entendre et à mettre en perspective avec ma vision pré-établie des choses. On va me dresser un portrait catastrophe de la situation : coût de la vie supérieur aux revenus du travail, pénuries de denrées alimentaires, augmentation de la criminalité, folie administrative, corruption, répression des opposants...
Mais finalement ce qui saute aux yeux vu de l'extérieur, c'est le rôle prédominant de la désinformation, que l'on soit pro ou anti-chaviste, voilà bien la pièce maitresse des fanatismes de tout bords. Entre clichés, faux-semblant et vérités, la complexité du pays empêche tout déterminisme. D'un côté, le culte de la personnalité entretenu par Chavez, la corruption régnant dans son gouvernement et le verrouillage de la vie politique suffisent à détruire toutes les bonnes intentions du régime. En face dans une opposition très hétéroclite, même combat. Au milieu de modérés pouvant peut-être incarner l'avenir du pays se cachent de véritables faucons à la solde des firmes multi-nationales qui voient dans la figure de Chavez un frein au pillage des ressources du Venezuela. Chacun se renvoie la balle et au milieu, la population n'a plus qu'à se positionner : les clivages sont donc importants.
En tout cas, politique et sécurité font partie des sujets les plus ressassés ici comme dans beaucoup de pays d'Amérique latine. Mais chaque pays connait une situation bien différente. En Colombie par exemple, pays sur lequel j'ai beaucoup écris sur mon blog, pays voisin et très proche culturellement du Venezuela, la situation est incomparable.
La question sécuritaire a donc été l'autre thème dont on nous a le plus parlé au Venezuela. Là encore, le contexte de mon voyage faisait que nos hôtes étaient très préoccupés pour notre sécurité. Si on les avait écoutés, il aurait fallu rester à l'hôtel sans jamais sortir. Les anecdotes tout au long du voyage se sont multipliées, des plus cocasses aux plus dramatiques. L'état de stress, de paranoïa et de traumatisme d'une partie de la population est prégnant : tout le monde se barricade dans les maisons (fils barbelés et barreaux à toutes les fenêtres) et dans les voitures (portes et vitres fermés quoi qu'il arrive, pas d'arrêt au feu rouge).
Reste que comme toujours, la vie au Venezuela continue et il serait fort dommage de cantonner le pays à cette question. Il est donc tout à fait possible de voyager et de se balader au Venezuela en respectant les règles élémentaires du savoir être dans de telles circonstances.
Le Venezuela ne semble pas à une contradiction prêt et cela fait partie de son charme. Alors qu'à la tête de l'état le Chavisme affiche un anti-américanisme de tous les instants, on ressent les Vénézuéliens volontiers tournés vers le mode de vie à l'américaine. D'ailleurs, le Baseball est le sport national et la sortie préférée du dimanche est de se retrouver en famille ou entre amis dans les immenses centres commerciaux pour manger et faire du lèche vitrine devant les produits qu'ils se saigneront à s'offrir ou alimenteront leur frustration, un des terreaux les plus fertiles de la violence de nos sociétés. Je dis nos sociétés, car finalement, ce concept de transformer la consommation en loisir récréatif est clairement en train d'envahir la France également et nous ne semblons pas nous en offusquer non plus.
Ici, l'essence est quasiment gratuite et il faudrait, je pense, entrer dans une analyse géostratégique pour comprendre ce que voulait faire Chavez avec la question du pétrole. Toujours est-il qu'il est ici plus facile de remplir le réservoir de sa voiture que les rayons de son frigo.
Finalement beaucoup d'aspects du chaos régnant au Venezuela font totalement partie du charme qui a opéré pour moi en le parcourant : les joies des retards aux aéroports, les vieilles voitures américaines, les jus de fruit, les vieux camions qui balancent leur énorme fumée noire, la musique llanera, les files d'attentes interminables, le pabellon à Barquisimeto, le niveau sonore des villes, les attentes inhumaines au restaurant, les arepas, la conduite au klaxon à Caracas, le poisson grillé et les îles paradisiaques à Puerto la cruz, la culture montagne à Merida... Et puis la chaleur des Vénézuéliens, la facilité pour parler de tout avec eux et lors de nos concerts, une ferveur pour notre musique qui tranche avec la frilosité du public français.
Je ne suis pas dupe, je sais que bien des aspects qui ont fait le charme de mon voyage sont juste un enfer à vivre au quotidien pour la population. Aujourd'hui que Chavez est mort, son successeur Maduro est loin d'avoir la même aura que le comandante. es élections en 2013 n'ont jamais été aussi serrées et de grandes manifestations populaires ont eu lieu demandant le changement. Mais si les choses changent, souhaitons que ne soit pas au profit des puissants mais bien à celui du peuple vénézuélien.
J'ai aimé toucher du doigt, par petits bouts, tous ces petits pans d'un Venezuela que je vous conseille de découvrir sans aucune hésitation.
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