Marianne : Lundi, vous vous êtes félicité de l’accord sur un futur plan de « sauvetage » à la Grèce. Etes-vous toujours aussi enthousiaste ?
André Chassaigne : Ma première réaction, lundi matin, dès que j’ai appris qu’un accord avait été signé, a effectivement été de me réjouir. De dire : ouf ! Et de me féliciter que la Grèce ne soit pas frappé par le Grexit. Une réaction de soutien évidemment à Alexis Tsipras, soutien qu’il conserve d’ailleurs encore aujourd’hui. Puis, dans le courant de la journée, j’ai eu le texte entre les mains et mon analyse a évolué…
Justement, que pensez-vous de cet accord ?
Deux choses. Sur la méthode d’abord, qui a été utilisée lors de ces négociations. Elle a été scandaleuse. Alexis Tsipras a dû discuter, pour reprendre les paroles du poète Yanis Ritsos : « Le couteau contre l’os et la corde au cou ». Il a été obligé d’accepter avec l’impossibilité pour lui de pouvoir résister face à un tel rouleau compresseur. Soit il signé l’accord, soit la Grèce était littéralement asphyxiée. Sur le fond maintenant, j’ai été horrifié en découvrant la nature de cet accord, d’une violence inimaginable : mettre la Grèce sous tutelle, exiger de son gouvernement élu démocratiquement de revenir sur des décisions déjà engagées, imposer que 30 % de son PIB soit soumis à des directives extérieures et contraindre à des privatisations massives. Je note que les vautours sont déjà ravis, comme Vinci qui s’est déclaré prêt à acquérir des aéroports grecs. C’est une situation inacceptable pour la Grèce. J’ai l’impression que l’Eurogroupe a voulu faire payer à Alexis Tsipras d’avoir organisé un référendum. En clair, d’oser s’adonner à un exercice démocratique dans son pays.
Quel jugement portez-vous sur la décision d’Alexis Tsipras d’accepter finalement ces conditions extrêmement contraignantes ?
Il était totalement coincé. J’ai beaucoup d’admiration pour lui et je pense qu’il ne pouvait pas faire autrement. Je me suis demandé d’ailleurs si voter à l’Assemblée nationale contre ce texte, ne revenait pas à lui tirer une balle dans le dos. C’est ce qui explique aussi ma réaction de lundi matin. Mais lorsque nous avons découvert le contenu de cet accord, et après en avoir discuté avec les autres députés du groupe communiste, notre analyse collective est de dire qu’en votant contre ce texte, nettement, sans ambiguïté, c’est un service qu’on lui rend. Nous contestons ce que lui, à cause du rapport de force, n’est pas en mesure de faire.
Comme l’a récemment expliqué Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances grec, la menace d’un Grexit était en fait un atout de taille pour la Grèce. Et en refusant de mettre en place des mesures préparant cette sortie, Tsipras a finalement abandonné son principal levier de négociation. Partagez-vous cette analyse ?
Je ne suis pas économiste mais, personnellement, j’ai la conviction que la sortie de la Grèce de la zone euro aurait eu des conséquences catastrophiques pour les Grecs mais aussi pour l’ensemble des pays européens…
Peut-on dire que cette séquence démontre que la zone euro, telle qu’elle est construite actuellement, et la démocratie ne font pas bon ménage ?
Oui, je pense que c’est indiscutable. Cet épisode grec, la violence qui s’est déchainée contre ce pays montre bien l’échec de l’Union européenne. C’est pourquoi il faut absolument recréer de nouvelles perspectives, rassembler les peuples européens pour construire une autre Europe, démocratique et sociale. Je pense que ce que nous avons vécu est un épisode qui restera gravé à jamais dans l’histoire de l’Union européenne.