N. Sarkozy a annoncé cette semaine aux syndicats des enseignants que le fameux décret Robien ne serait pas appliqué. Rappelons que le décret comprenait essentiellement deux volets : la suppression des heures de décharge, dites heures de première chaire, pour les professeurs qui n'enseignaient pas au moins six heures par semaine dans des classes évaluées au baccalauréat, et l'instauration du système de la bivalence.
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de dire sur ce blog que je n'étais pas par principe opposé au décret Robien. La suppression des heures de première chaire pour un certain nombre d'enseignants n'était pas en soi scandaleuse, dans la mesure où, suite à la réforme du baccalauréat en 1964, des professeurs ont continué de bénéficier des heures de première chaire sans plus remplir exactement les conditions prévues par le texte de 1950. De même, j'ai déjà souligné que le système de la bivalence n'est pas scandaleux en soi et que dans certains cas déjà, on recrute des enseignants bivalents, voire trivalents (histoire-géographie, lettres classiques).
D'aucuns, à droite comme à gauche, vont sans doute voire dans l'annonce de N. Sarkozy une forme de reculade préélectorale. Pour ma part, je ne le pense pas. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, dans mes notes, ou à tout le moins dans mes commentaires, même si les deux volets du décret n'ont, sur le plan des principes, rien de condamnable, en pratique ils ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes.
Il était regrettable, en effet, de ne pas insérer l'éventuelle réforme de l'attribution des heures de première chaire dans une réflexion globale sur le pouvoir d'achat des enseignants. La possibilité de faire des heures supplémentaires n'étant pas toujours assurée, la suppression de l'heure de première chaire risquait d'avoir pour conséquence, dans certains cas, une perte de pouvoir d'achat annuelle de 1500 à 2000 euros, ce qui est évidemment tout le contraire de ce que souhaite la nouvelle majorité.
Quant à la bivalence, elle ne peut se justifier que si elle n'entraîne pas une baisse de niveau des enseignants recrutés. Il faut pour cela une formation adaptée dans les universités, ce qui n'est actuellement pas le cas. Dans la mesure où il faut en moyenne entre 4 et 5 ans pour former un enseignant, il me semble douteux de pouvoir prétendre instaurer une bivalence respectant un bon niveau d'exigence avant 5 ans, voire un peu plus, le temps que le système se mette en place à l'université.
En décidant d'abroger le décret Robien, N. Sarkozy a, je pense, à la fois surpris et satisfait un grand nombre d'enseignants, qui ont exprimé - parfois sur ce blog, je pense en particulier à Pat - des doutes qui étaient selon moi plus l'expression de craintes réelles que d'un refus systématique du changement. Je souhaite donc que cette décision jette les bases d'une relation de confiance entre le pouvoir politique et le corps enseignants pour les réformes à venir.