Grèce: la défaite européenne

Publié le 15 juillet 2015 par Juan
Y-avait-il beaucoup à attendre ou une grande surprise de l'épilogue de cette confrontation euro-grecque ?
Alexis Tsipras a eu le commentaire qui convenait après plus d'une journée de négociation le weekend dernier.
"Nous avons livré une énorme bataille. Le peuple grec peut continuer à se battre. Mais nous avons évité le pire. Finalement, la gestion des biens publics grecs ne sera pas transférée en dehors du pays. Nous léguons en Europe cette volonté de changer. Les mesures à adopter renforceront la récession, mais les fonds expressément prévus en faveur du développement feront j’espère la différence et les investisseurs reviendront." 
Oui, l'euro-group, flanqué du FMI, a exigé de la Grèce davantage de récession.
Après des heures de négociations, la plupart des médias franco-britanniques et allemands, qui étaient tous largement majoritairement hostiles à l'aventure Syriza en Grèce, ont fort logiquement titré sur la reddition, la capitulation, la défaite d'Alexis Tsipras.
"La nuit où l'Allemagne a fait plier Tsipras" titre donc le Monde.  "Alexis Tispras, l'art de la pirouette" renchérit Slate.fr.
Répétons un argument maintes fois répété dans ces colonnes: cette ardeur de la médiocratie européenne à clamer l'échec prétendument programmé de Syriza depuis les premières heures de son arrivée au pouvoir n'a d'égal que son refus de regarder l'échec des politiques austéritaires et les lacunes démocratiques de l'Union européenne en face.
La médiacratie néo-libérale  n'était pas seule à clamer la défaite de Tsipras. En France, la gauche de la gauche s'est divisée sur l'interprétation des récents évènements. Quelques blogueurs vrauchistes clamaient l'échec de Tsipras avec autant de hargne que les chroniqueurs libéraux. L'hebdo Politis publiait ainsi un édito rageur du "Yeti" avec le titre sans concession "Alexis Tsipras : une capitulation lourde de conséquences pour les gauches européennes". Le blogueur n'avait sans doute pas compris le sens politique de l'affaire. La politique est une histoire de négociation, de rapports de forces et de durée. Il croit savoir que seule l'extrême droite tirera les bénéfices politiques de l'affaire.
Nous devrions préférer le commentaire de Jean-Luc Mélenchon, ce 13 juillet 2015.
"Telle est dorénavant l'Union européenne. Un revolver sur la tempe, une nation déjà asphyxiée et placée sous blocus financier doit conclure un 'accord' après treize heures de 'discussion'. (...) .  Le gouvernement d'Alexis Tsipras a résisté pied à pied comme nul autre ne l'a aujourd'hui fait en Europe. Il accepte donc un armistice dans la guerre qui lui est menée."

Le jeune premier ministre grec, qui avait obtenu une très large victoire au référendum du 5 juillet contre le programme austéritaire que l'eurocratie lui proposait contre un sauvetage de la banqueroute, puis le soutien de tous les partis grecs pour négocier, a obtenu un rééchelonnement de la dette et l'octroi d'une nouvelle enveloppe de prêts bancaires pour éviter la fermeture du système bancaire nationale, et le chaos qui s'en suit.
En contrepartie, le gouvernement grec a accepté beaucoup, beaucoup trop. Tsipras, dans sa première intervention, reconnaît son échec provisoire, sans détour. Cette honnêteté détonne dans les cercles européens.
Tsipras pourra négocier un nouveau prêt de 82 à 86 milliards d’euros qu'une fois un certain nombre de mesures dites "prioritaires" qu'il faut que la Grèce adopte d'ici ce mercredi 15 juillet:  une réforme de la TVA, l'indépendance de l’institut national de statistiques, et la création d’un comité budgétaire indépendant, "qui devra veiller à ce que la Grèce respecte bien les objectifs de surplus budgétaire primaire." D'autres mesures doivent suivre d'ici le 22 juillet (comme un erzatz de loi Macron, une réforme bancaire, et quelques autres). Le plus grave est la façon dont  l'ensemble s'orchestre, comme une mise sous tutelle de la Grèce après un vote populaire.
Aussi le vrai perdant ce lundi 13 juillet, veille de fête nationale française, n'est-il pas Alexis Tsipras, ni même Syriza, et encore moins la Grèce. Le vrai perdant est l'Europe, la construction européenne, l'idéal européen.
L'Union européenne est apparue du côté des cyniques, des brutaux, des puissants. Elle est intervenue contre le suffrage majoritaire d'un pays.
L'Union européenne n'a pas trouvé de solution solidaire. Elle s'est laissée abusée par les clameurs égoïstes d'une Allemagne désormais parasitaire, flanquée de tous les nationaux-libéraux du continent. Aucun pays européen n'a osé de référendum pour tester ses propres opinions publiques sur le sujet grec. L'Europe a encore perdu davantage de crédit ces derniers jours. Qui peut encore croire que cette construction, un idéal formidable et prometteur, veut dire quelque chose de positif pour l'avenir ?
#ThisIsACoup clamait on sur les réseaux sociaux ce lundi 13 juillet.
C'est un coup de l'Europe contre l'Europe.
On s'en souviendra longtemps.
François Hollande, qui pouvait légitimement se féliciter de son action auprès de Tsipras et pour une solution européenne, a complètement raté un point: l'Europe ressort abîmée. Ce 14 juillet, Hollande était donc anachronique, c'est-à-dire comme décroché de la réalité. "L'accord permet à la Grèce de rester dans la zone euro", certes, explique-t-il. Mais il a ajouté: "l’humiliation aurait été que la Grèce soit licenciée ". Forcément, vu comme ça... François Hollande a entaché cette séquence jusqu'ici presque réussie de cette phrase de commentaire... La Grèce licenciée... L'euro-zone est donc telle une une entreprise privée, son patron s'appelle Merkel. Hollande a joué au délégué du personnel qui n'y peut pas grand chose sauf tenté d'éviter le pire.
Triste image.