dans mon petit lit à une place
la chambre au papier peint à fleur
Le silence de la nuit
En bas, je les entends vaquer
ranger
parler à voix basse
le bruit de la vaisselle qu'on range,
des verres qui s'entrechoquent
d'une chaise qu'on replace
Puis les ablutions du soir
le robinet qu'on ouvre,
l'eau qui coule, les gargarismes,
l'eau des dents que l'on recrache en faisant "Pfffeuh".
A quoi je pense
Peut-être à rien
Peut-être à ce temps qui passe si lentement
A cette vie qui demeure fermée
inconnue, mystérieuse
Je pense à comment on devient quelque chose
comment on fait les choses
comment on rencontre les gens
Des pas dans l'escalier
ils vont se coucher
J'entends le drap qu'on ouvre
le corps qui prend sa position sur le matelas
encore quelques murmures
un interrupteur qu'on manipule,
et puis rien
le silence
la nuit
Demain c'est l'école
je rentrerai à onze et demie
maman aura fait à manger
papa va rentrer de son travail vers midi, en vélo
Parfois il est en retard
je n'aime pas quand il est en retard
j'ai peur qu'il lui soit arrivé un accident
quand je dis ça à ma mère,
elle me dit "oh non"
Elle n'a pas l'air de se rendre compte que si,
on peut très bien avoir un accident
on peut très bien mourir un jour
elle n'a pas l'air de se rendre compte
que ces choses-là arrivent,
même à papa,
même à nous.
Je pense aussi dans mon lit
à comment on fait l'amour
à comment c'est, tout ça
Encore une chose lointaine et floue, imprécise
Le temps passe lentement
Et puis un jour, ça y est, on y est
dans le lit, dans les draps,
on a un corps dans le sien, bien emboité
on ouvre grand les yeux
ça y est, on y est
c'est dingue.