Maryse Condé : Mets et merveilles

Par Gangoueus @lareus
Au travers d'une nouvelle note, Vincente Clergeau nous présente le nouveau roman intimiste de Maryse Condé où l'art culinaire est le lieu d'expression d'une révolte, du non conformisme d'une femme d'exception.

copyright Georgia Popplewell 


Maryse Condé a écrit un roman « Vie sans fards », à la tonalité sombre, qui relatait son parcours de jeune mère, jeune femme, militante, dont la vie avait été marquée par une série d’épreuves. Ce devait être son dernier roman, mais aujourd’hui pour la plus grande joie de ses lecteurs, le roman « Mets et merveilles », à la tonalité joyeuse et sensuelle, paraît aux éditions J.-C Lattès.
Maryse Condé nous livre une autobiographie culinaire, qui retrace ses voyages effectués en tant qu’universitaire et écrivaine, sous le signe de la gourmandise et de la jouissance de la vie. Elle nous plonge ainsi d'une façon originale, dans la réalité vécue des pays traversés et des rencontres, tout en abordant des thèmes plus profonds qui touchent à l'identité, l'écriture, le couple mixte.
Chez Maryse Condé, la cuisine - perçue comme peu noble par sa mère - et l’écriture constituent un tout qu’elle revendique : une façon de manifester son opposition, sa révolte.
Elle reste une rebelle, qui s'est refusée à choisir entre l'intellectuelle et la « manuelle », affirmant sa filiation avec sa grand-mère Victoire, à laquelle elle a rendu un très bel hommage dans son roman « Victoire, les saveurs et les mots. »
Elle s'interroge tout au long du livre sur l'origine de cette passion culinaire, aussi forte que l’écriture, Elle adore inventer, jouer avec les ingrédients, détourner les recettes. Elle éveille nos papilles par ces belles descriptions des couleurs, des odeurs, des saveurs, etc. Elle ne livre aucune recette, mais nomme de nombreuses spécialités locales. La cuisine est une façon de découvrir les pays, de s'approprier des recettes, d’établir un contact avec les habitants d’un pays, parfois plus facile que la littérature.
Chaque voyage se termine par une recette rapportée, mais fournit aussi des éléments essentiels tels que l'accueil, la question de l’identité, de l’acceptation, de la tolérance. L’expérience éprouvante vécue en Inde et en Afrique du Sud sont deux moments forts.
Il est passionnant de découvrir ses sources d’inspiration littéraire, qui parsèment le roman. A l’heure où l’on cherche à enfermer les auteurs dans des catégories, une phrase d’une grande justesse a retenu mon attention : 
« En littérature, il n'y a ni Blancs, ni Noirs. La littérature est un territoire qui ne connaît pas de couleurs » 
Mets et Merveilles, p. 304, éd. JC Lattès
Elle évoque des moments d’épanouissement intellectuel, l’élaboration de la théorie du « cannibalisme littéraire » emprunté du manifeste cannibale d’Oswald de Andrade, qui fut mal compris par ses étudiants africains.
Ce livre est riche de bonheurs partagés avec son mari, sa famille et ses amis, à travers la cuisine et la littérature. C’est une autobiographie qui se déguste !
Maryse Condé, Mets et merveilles
Avril 2015, Editions J.-C Lattès