Le combat ordinaire nous présente des tranches de la vie de Marco, jeune homme d’une trentaine d’année, photographe de profession, souffrant de crises d’angoisse épisodiques et d’un certain mal de vivre. Anciennement photographe de guerre, enfui d’une réalité trop dure et trop terrible, Marco se replie sur lui-même et essaye de se reconstruire. Dans Le combat ordinaire, on le suit naviguant entre les différents membres de sa famille, sa petite amie et les rencontres de passage, naviguant entre les différentes régions de France, de la Bourgogne à la Bretagne en passant par Paris, naviguant entre les différents modes de vie, des petits villageois de sa campagne paisible aux dockers de sa ville natale et à la crise qui ravage tout. Et de fait, Le Combat Ordinaire nous fait voyager nous aussi, au travers une France ordinaire, une France de diversité sociale, une France de paysages beaux et chargés de leurs histoires, aux travers de nos vies qui trouveront forcément des échos dans les petits et grands combats menés par Marco dans la sienne.
Le Combat Ordinaire, c’est l’adaptation par Laurent Tuel (Jean-Philippe, La Grande Boucle) de la bande dessinée éponyme de Manu Larcenet, un petit chef d’œuvre de quatre tomes, prix du meilleur album au festival de BD d’Angoulême 2004.
La diversité des thèmes abordés est assez large et le fait de suivre Marco dans son parcours chaotique de reconstruction aurait pu donner un film un peu décousu, d’autant que le réalisateur condense les premiers tomes de la bande dessinée, riches en événements, en deux petites heures de film. On se rend rapidement compte cependant que le découpage et le montage du film ont été travaillés avec un soin d’orfèvre, les différents fils de la vie de Marco s’entremêlant pour former un motif délicat et parfaitement clair, sans jamais perdre le lecteur à travers les différents enjeux.
On sent dans le travail du réalisateur un amour sincère et une vraie admiration pour l’œuvre de Manu Larcenet, qui se retrouve dans le soin apporté aux détails et au montage du film, et dans le respect attentif de l’œuvre d’origine. Le film est en effet assez proche de la bande dessinée, suffisamment en tout cas pour qu’on devine les coups de crayons sous les poses des acteurs, assez pour qu’on voie les bulles quand ils dialoguent. C’est d’ailleurs peut-être le reproche qu’on pourrait faire au film : dans son souci de respecter l’œuvre originale, il peine un peu parfois à prendre son envol, à trouver la place d’une vraie originalité ou d’une certaine audace qui lui aurait permis de se démarquer d’avantage. Se privant aussi peut-être de donner davantage de profondeur à certains aspects de l’histoire : on aurait été heureux par exemple d’en apprendre plus sur ce qui se passe dans le cœur du petit frère, sur le destin des dockers, sur la fille du voisin et son histoire, autant de thèmes effleurés et qu’on devine receler encore quelques surprises. Le film ne se contente pas de faire les choses à moitié cependant : si certains détails passent un peu rapidement, d’autres grands thèmes du scénario sont très bien traités, comme par exemple tout ce qui concerne les parents du héros, sa relation avec eux, leur relation à tous les deux aussi, et leurs sentiments, peu montrés par les intéressés, mais que le réalisateur sait nous faire ressentir avec une émotion poignante.
Et c’est sans doute ce qui restera dans le cœur des spectateurs en sortant du film, des émotions, forcément familières, un peu douces-amères, de situations du quotidien, de la vie et des surprises qu’elle réserve, parfois dures, parfois belles, qu’il distille avec un certain brio et une délicatesse toute particulière.
Impossible par ailleurs de parler du Combat Ordinaire sans évoquer le remarquable travail effectué sur la photographie pour ce film. Conscient dès le départ qu’il s’agissait d’une adaptation de bande dessiné et que l’image y jouerait un rôle prépondérant, c’est dès la présentation du projet à l’auteur que Laurent Tuel, le réalisateur, a travaillé l’aspect graphique du film, ses lumières, ses couleurs et son esthétique. Et c’est sans doute à cela que le film doit toute son ambiance, à la fois douce et un peu froide, un peu mélancolique et devenant soudainement chaleureuse et lumineuse lors de nouvelles rencontres ou des événements positifs qui jalonnent la vie de Marco. Le film propose nombre d’images tout à fait magnifiques, mais ne s’arrête pas là et nous offre aussi une mise en scène léchée, jouant souvent avec les photos qui sont, à l’instar du héros et de par son métier, au cœur de film, autant de clichés qui sont comme des inspirations, des instants qui retiennent leur souffle avant que le film reprennent son cours normal. Il joue avec l’image, avec les gros plans, n’hésitant pas à intercaler de courtes séquences en noir et blancs entre les scènes, comme autant d’échos des pensées de Marco, évocations de ses souvenirs de telle ou telle personne.
Le Combat Ordinaire est donc un film très agréable à voir, touchant et réussi qui devrait a priori parler à n’importe qui ayant un peu de vécu et un peu d’émotion dans son cœur, jouant avec nos sentiments mais nous laissant finalement sur une note positive. Un film qui parle de la vie, tout simplement, des efforts qu’on fait pour la traverser, des relations aux autres. C’est aussi une adaptation tout à fait acceptable de la bande dessinée d’origine, malgré le défi que cela représente d’adapter une telle réussite critique, et en conséquence une invitation à découvrir de toute urgence l’œuvre de Manu Larcenet.
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