Magazine Politique

L'Eurogroupe divisé sur la Grèce, Berlin étudie un Grexit « temporaire »

Publié le 12 juillet 2015 par Blanchemanche

#Grèce#FMI#Syriza#BCE #UE #Syrizexit #€

12 JUILLET 2015 |  PAR LUDOVIC LAMANThttp://www.mediapart.fr/article/offert/f5e6608448bedd981ff2780a025462a9Après plus de huit heures de réunion samedi, les ministres des finances de la zone euro n'ont pas réussi à tomber d'accord. Ils reprennent leurs échanges ce dimanche, avant la tenue d'un sommet de la zone euro, en fin d'après-midi à Bruxelles. Toutes les options, Grexit compris, restent sur la table.De notre envoyé spécial à Bruxelles. Huit heures de réunion, et deux longues pauses aménagées au fil de la soirée pour permettre aux ministres de faire le point avec leur capitale, n'ont pas suffi. L'Eurogroupe ouvert samedi à Bruxelles pour débattre d'un éventuel troisième plan d'aide à la Grèce, n'a rien donné. Les divisions entre les « faucons », tenants d'une approche dure envers Athènes, emmenés par Berlin, et les autres États, plus ou moins coulants, restent très vives, et la paralysie menaçait samedi soir.
Les discussions devaient reprendre dimanche à partir de 11 heures. « C'est toujours très difficile, mais les choses continuent de progresser », a déclaré le Néerlandais Jeroen Djisselbloem, président de l'Eurogroupe, à l'issue de la réunion. Pour l'Espagnol Luis de Guindos, « cela aurait pu être mieux, cela aurait pu être pire ». Le plupart des autres ministres présents, dont le Grec Euclide Tsakalotos, n'ont fait aucun commentaire à la sortie. Plusieurs moutures d'un communiqué final ont été discutées, sans parvenir à rassembler les signatures des 19 sur un texte définitif.Le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, samedi à Bruxelles.Le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, samedi à Bruxelles. © Conseil européen.L'accord semblait pourtant à portée de main samedi midi. Il y avait eu l'envoi dans les temps, jeudi soir, de la proposition grecque, calquée presque point par point sur les exigences des créanciers, suivie d'une déclaration optimiste de François Hollande vendredi, qui y a vu « un programme sérieux et crédible ».
Les trois institutions de l'ex-Troïka (commission, BCE, FMI) avaient ensuite transmis un avis plutôt positif au président de l'Eurogroupe, après leur examen des propositions grecques : elles parlaient d'« une base pour négocier un plan d'aide ». Au même moment à Athènes, Alexis Tsipras obtenait un feu vert des députés lors d'un vote au Parlement grec sur le mandat de négociation, pour prouver sa détermination aux négociateurs. Moins d'une semaine après le « non » fracassant des Grecs, une dynamique semblait enclenchée pour éviter le scénario d'un Grexit désordonné, aux conséquences impossibles à prévoir pour l'ensemble de l'Europe.Mais tout cela n'a pas suffi. L'ambiance s'est durcie dès l'arrivée des ministres des finances de la zone euro, samedi après-midi à Bruxelles. Les faucons, emmenés par l'Allemand Wolfgang Schaüble, ont douché les espoirs d'un accord rapide. À leurs yeux, Athènes doit aller plus loin dans les économies et les réformes structurelles, pour prétendre à un troisième plan d'aide, jusqu'en 2018. Au fil des jours, l'enveloppe de cet éventuel plan d'aide a explosé, passant de 53,5 milliards d'euros (chiffrage des Grecs jeudi soir) à 74 milliards d'euros vendredi (commission et BCE). Et si l'on en croit le quotidien grec Khatimerini, la fourchette oscille même plutôt entre 80 et 85 milliards d'euros. Plus le total grimpe, plus il sera politiquement difficile à avaler par les autres capitales.
Surtout, certains ministres ne font tout simplement plus confiance à Tsipras pour appliquer des réformes que le premier ministre grec pourfendait avec véhémence, il y a encore quelques jours, en pleine campagne pour le référendum du 5 juillet. « Est-ce qu’on peut faire confiance au gouvernement grec pour qu’il fasse ce qu’ils promettent dans les prochaines semaines, [les prochains] mois ou [les prochaines] années ? » s'est interrogé Jeroen Djisselbloem à son arrivée à la réunion, samedi. « La confiance a été détruite d'une manière incroyable au cours des derniers mois », a renchéri de son côté l'Allemand Wolfgang Schaüble.D'après plusieurs sources européennes, l'une des idées sur la table pour renouer cette confiance perdue, serait d'obliger les Grecs à adopter, dès la semaine prochaine, dans une loi fourre-tout, une batterie de réformes identifiées comme « prioritaires » (il s'agirait d'une partie des “prior actions” figurant dans le document envoyé par les Grecs jeudi soir). L'adoption de cette loi pourrait entraîner un premier déblocage d'argent frais.
Mais ce scénario reste encore à confirmer. L'Eurogroupe pourrait aussi décider, faute d'accord, de renvoyer le dossier hyper-sensible aux chefs d'État et de gouvernement des 19, qui se réunissent dimanche à partir de 16 heures. Un conseil européen extraordinaire (à 28), annoncé dès 18 heures, a finalement été annulé. Toute la journée de dimanche, il faudra suivre en particulier le jeu de l'Allemagne et celui de la Finlande, deux pays qui ont particulièrement compliqué, samedi, les négociations de l'Eurogroupe.
L'Allemagne étudie un « Grexit temporaire » sur cinq ans
Le scénario a été révélé samedi par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, mais n'a pas été discuté formellement lors de l'Eurogroupe. C'est un document de travail d'une page à peine, daté du 10 juillet, envoyé par le secrétaire d'État allemand aux finances, Thomas Steffen, à certains de ses homologues européens. D'après une journaliste allemande de la ZDF, Angela Merkel, mais aussi Sigmar Gabriel (ministre de l'économie, figure du SPD, les sociaux-démocrates allemands) en avaient tous deux connaissance.L'analyse de Berlin sur les propositions grecquesbyMediapart
Pour les Allemands, il n'y a plus que deux options sur la table, si l'on en croit ce texte. La première : Athènes se décide à améliorer de manière « rapide et significative » le contenu des propositions envoyées jeudi soir, pour décrocher un nouveau programme d'aide. Parmi les mesures que Berlin imagine, figurent des « coupes budgétaires automatiques en cas de non-respect des objectifs budgétaires fixés » ou encore une supervision par la commission européenne des réformes censées« dépolitiser » l'administration publique grecque.La seconde option est encore plus musclée : les Grecs se verraient « offrir des négociations rapides sur une sortie temporaire (“time-out”) de la zone euro, qui permettrait éventuellement une restructuration de la dette, si nécessaire, sur un format similaire à celui du club de Paris, pour les cinq prochaines années au moins »« Ce scénario d'une sortie temporaire serait accompagné d'un soutien à la Grèce, en tant que membre de l'UE, et aux Grecs, grâce à une assistance technique, humanitaire, et favorable à la croissance, au cours des prochaines années. Un renforcement de la gouvernance de l'union monétaire serait aussi nécessaire », lit-on encore dans ce document.
Si l'on en croit un porte-parole du groupe PPE (droite européenne) samedi soir (ci-dessous), Schaüble plaiderait pour un Grexit afin de permettre aux Grecs de restructurer leur dette – ce qu'ils ne peuvent pas faire, à ses yeux, dans la zone euro, à cause des traités. Mais le document publié samedi donne aussi un peu plus de crédit à certaines hypothèses de Yanis Varaoukis, l'ex-ministre des finances grec, qui se dit persuadé que Schaüble veut sortir la Grèce de la zone euro pour faire de la Grèce un exemple, et obliger la France et d'autres pays à se réformer plus vite…
Siegfried Muresan 
@SMuresanJust to clarify: #Schaeuble poposed temporary exit from #Euro to give #Greece chance to restructure debt, which is not allowed within Euro22:32 - 11 Juil 2015
Pervenche Berès 
@PervencheBeresDans la relation franco-allemande, il y a aussi la relation entre le @partisocialiste et le @spdde #Grexit22:34 - 11 Juil 2015
La Finlande, sous la pression des Vrais Finlandais, promet un veto sur toute nouvelle aide
C'est l'autre surprise de la soirée. Depuis le début des négociations en février, certains « petits pays », comme la Slovaquie ou la Finlande, se montrent plus durs que l'Allemagne autour de la table de l'Eurogroupe, et menacent de bloquer tout nouveau prêt à Athènes. Mais leurs mises en garde n'ont jamais été prises très au sérieux, les observateurs pariant sur un alignement in extremis de ces capitales sur les positions de Berlin. Sauf qu'Helsinki a, selon plusieurs médias finlandais, fait son choix : ce sera non à tout nouveau plan d'aide.
Les Vrais Finlandais, une formation d'extrême droite très critique de l'UE, et ouvertement opposée aux plans d'aide à la Grèce, était arrivée en deuxième position aux législatives d'avril dernier. Pour la première fois de son histoire, ce parti, étiqueté populiste, est entré au gouvernement le mois suivant, en coalition avec un parti centriste. Un veto finlandais pourrait-il tout faire capoter dans la dernière ligne droite ? C'est quasiment impossible.Christine Lagarde, présidente du FMI, samedi à Bruxelles.Christine Lagarde, présidente du FMI, samedi à Bruxelles. © Conseil européen.Là encore, plusieurs options sont envisageables. Helsinki, sous pression des autres capitales, adoucit ses positions dans la journée et retire son veto. La coalition au pouvoir pourrait alors chuter. Ce ne serait pas tout à fait un précédent dans la courte histoire de la zone euro : l'exécutif slovaque avait déjà dû démissionner lors du vote sur le deuxième plan d'aide à la Grèce, en 2012.
Jarno Hartikainen @JarnoHa3 scenarios: 1) FIN gov't changes its position due to peer pressure 2) break up the gov't 3) use ESM emergency clause, majority decision22:13 - 11 Juil 2015Autre piste : la commission européenne et la BCE actionnent la clause d'urgence du Mécanisme européen de stabilité (MES) (lire l'article 4.4 du traité ici), si les deux institutions jugent que la stabilité financière de la zone euro en dépend. Dans ce cas, la décision ne se prend plus au consensus, mais à la majorité des 85 % des droits de vote (chaque pays détient des droits de vote proportionnels à son investissement dans ce fonds de sauvetage). La Finlande, seule, ne peut donc pas bloquer le processus (elle ne détient que 1,79 % des parts). Dans les faits, il n'y a que l'Allemagne, la France ou l'Italie qui ont assez de poids pour bloquer.
La Finlande ne devrait donc pas barrer la route, seule, à un éventuel plan d'aide à la Grèce. Mais ces durcissements des uns et des autres prouvent à quel point les Européens, dans la dernière ligne droite, ne feront aucun cadeau au gouvernement d'Alexis Tsipras. La France, elle, continue de vouloir jouer au « trait d'union » entre Athènes et Berlin (lire l'article de Lénaïg Bredoux). Paris pourrait aussi compter sur le renfort de Rome dimanche, certains observateurs assurant que Matteo Renzi allait, enfin, s'employer à convaincre Angela Merkel de bouger sur le dossier.Alberto Nardelli 
@AlbertoNardelliHearing Italy to tell Germany: "enough is enough" - we need to stop humiliating Greece, and find a deal and common ground for good of EU22:30 - 11 Juil 2015
L'Eurogroupe divisé sur la Grèce, Berlin étudie un Grexit « temporaire »

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Blanchemanche 29324 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines