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Moi aussi j’ai eu peur

Publié le 12 juillet 2015 par Lana

Une chose me frappe en regardant des reportages sur les hôpitaux: on prend en compte la peur des gens, on comprend qu’ils aient peur, ça paraît normal, on essaye de les rassurer. Et je les envie.

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Parce que moi aussi j’ai eu peur. Comme si j’avais une fleur noire dans le coeur.

Peur de la maladie, peur de la folie, peur du pronostic, peur de l’hôpital.

Pourtant, en psychiatrie, personne n’a jamais pris ma peur en compte, ou si peu que c’était comme si elle n’existait pas.

J’avais peur, parce que je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait. J’avais peur de devenir folle, de finir mes jours à l’hôpital. Je voulais savoir ce dont je souffrais, pour l’affronter, mais on ne me disait rien, on me laissait dans un silence terrifiant. Pendant deux ans, je suis restée dans ce silence. On ne mettait pas de mots sur la folie, pas d’étiquettes disaient les psys, en réalité ça veut dire rester seule avec ses questions et sa peur. Imaginer le pire puisque ce qui est indicible est forcément grave. Une sorte de tabou qui enferme bien plus que n’importe quel diagnostic. Des psys silencieux comme des murs, devant lesquels s’écrasaient mes larmes.

J’avais peur que la folie soit de plus en plus dévorante, de plus en plus aliénante. Je voulais savoir comment ça, la chose dont on ne disait pas le nom, évoluait. Mais puisqu’il n’y avait pas de nom, il n’y avait pas d’avenir non plus, seulement moi avec mon mal jour après jour, et ma peur que ça ne finisse jamais.

J’ai eu peur de l’hôpital, parce que ça ressemblait plus à une prison qu’aux hôpitaux que j’avais déjà vus, que j’étais fragile, sans défense et coupable de quoi?, moi qui étais là de mon plein gré. J’avais peur de ces portes fermées, de ces gens qu’on avait déshumanisés dans des pyjamas bleus, de ceux qui tenaient les clés, de ne plus avoir de refuge, d’être à la merci de ce système totalitaire, et jusqu’à quand? J’avais peur parce que je ne m’appartenais plus, j’étais aux mains de la folie et maintenant à celles de l’hôpital.

J’ai eu peur, ça a cassé quelque chose en moi, et j’aurais aimé que cette peur soit davantage prise en compte. Un petit rien, un petit mot, un « je sais que tu as peur », « attends, je vais t’expliquer », un petit quelque chose pour me sentir moins seule avec ma peur.


Classé dans:Réflexions personnelles

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