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" La troisième génération baroque " : cette expression, que l'on doit à Odile Pradem-Faure, semble bien correspondre à cette édition 2015 du festival de l'abbaye aux dames. Mais si les fins connaisseurs ont immédiatement saisi le sens de cette phrase, les novices ont pu rester quelque peu perplexes en entendant parler de cette " troisième génération ". Quels grands noms ont marqué les trois générations du " barrocco " ? Et comment un festival a-t-il su perdurer, depuis les débuts de la redécouverte de ce style musical jusqu'à aujourd'hui ? Réponses de quelques fins connaisseurs de l'événement.
" Comment le festival a évolué ? Dans le bon sens !". Au bar de la buvette, entre deux clients à servir, Jean-François Reboux nous rappelle l'historique du renouveau baroque. Car c'est bien là que le festival trouve ses racines : dans les années 1970, Saintes a été à la pointe du mouvement baroque en Europe. Philippe Herweighe, William Christie, Jean-Calude Malgoire ou encore Jordi Saval : nombre de grands noms de cette redécouverte ont foulé la cour de l'abbaye, à une époque où le genre était encore sous-représenté par rapport au classique - voire méprisé. " Les baroqueux étaient soupçonnés de choisir des cordes à boyaux parce qu'ils ne savaient pas jouer ! " explique Odile, directrice générale du festival. Puis, à cette première génération est venue s'ajouter celle des Hervé Niquet, Chritophe Rousset et autres Christophe Coin dans les années 1990. Aujourd'hui, des interprètes comme Sébastien Daucé, Stephan McLeod ou Jean Rondeau forment la troisième génération. " Mais Dieu merci, se réjouit Jean-François, ceux de la première vivent encore ! ".
Mais en même temps que les générations d'interprètes se succédaient, le répertoire du festival se renouvelait et s'ouvrait à d'autres styles. Ce que l'on doit aux " baroqueux " eux-mêmes, comme nous le confie Philippe Terville, citant en exemple le jeune claveciniste et jazzeux Jean Rondeau. " Pour lui, faire du jazz c'est normal, alors que pour beaucoup de musiciens de formation classique, c'est un monde un peu à part ". Bien avant l'arrivée du jazz à l'abbaye, le festival - à l'origine " festival de musiques anciennes de Saintes ", s'était déjà ouvert aux post-baroque dans les années 1990, notamment aux romantiques ; sous l'impulsion de Philippe Herweighe, l'événement avait d'ailleurs été rebaptisé " Académies musicales de Saintes ". Pour Odile, c'est aussi la deuxième génération de musiciens baroque qui a ouvert le répertoire au XVIIIe siècle, " avec des petites incursions encore plus loin dans l'échelle du temps ". Sans compter une nouvelle génération qui, d'après M. Terville, part en quête d'œuvres oubliées : " Je pense à Sébastien Daucet, Pichon ou Lionel Meunier, qui essayent de trouver des choses qui n'ont jamais été interprétées, ou très peu. Leur intérêt, c'est d'apporter leur petite pierre à l'édifice ".
" Ce que je pense essentiel c'est que tout en ayant évolué, le festival n'a pas renié ses amours d'origine " nous résume Jean-François ; " on reste très attaché à la musique baroque et Renaissance ". Même si il nous avoue que les formes ont pu évoluer, telle " la grande tradition " de Saintes : " une cantate de Bach par jour au concert du midi. Cette année, elle a été avantageusement remplacée par la messe de Bach de mardi soir ". En bref, selon Philippe Terville, " tout a changé, rien n'a changé ". Et certains gagent déjà que ce renouvellement permanent n'est pas près de prendre fin. Odile nous parle déjà de quatrième génération, un sourire au coin des lèvres : " ce sont ceux que nous on appelle les bébés JOA : au sein du Jeune Orchestre de l'Abbaye aux dames, il y en a qui se sont mariés et ont des enfants ; on espère que ce seront de bons musiciens, eux aussi ! ".
Mahel Nguimbi
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