J'entendais dire qu'il y avait 617.900 bacheliers. Il y a 175 ans, à l'époque de Flaubert, ce nombre était de 4000. Dans le premier cas, plus de 77% de la population, dans l'autre 1. Quel a été l'impact de ce changement ?
Le diplôme, en lui-même, n'a plus beaucoup de valeur. On espère en retrouver un peu dans la mention. Les félicitations du jury, devenues mécaniques à 18 de moyenne, à défaut, la mention très bien. Mais que récompense-t-elle ? Un bourrin ou un génie ?
Ce n'est pas le niveau de l'élève qui s'est le plus effondré, mais celui de l'enseignement. Flaubert ou Camus ont eu pour enseignants de lycée d'éminents normaliens. Aujourd'hui, leurs équivalents sont profs de Fac ou, plus souvent, membres de droit de l'oligarchie qui gouverne le pays et ses entreprises. Et il est probable que ces normaliens, vu ce qui précède, n'ont pas les compétences de leurs prédécesseurs. En revanche ils ont des complexes de supériorité que ces derniers n'avaient pas. Ils ont quelque-chose de la noblesse d'Ancien régime.
Un autre grand changement est arrivé après guerre. La troisième république considérait l'enseignement comme devant être élitiste. Cela conduisait à une sélection impitoyable, au moment du certificat d'études. Ce que le système considérait comme l'élite des pauvres avait alors accès à une formation de riche. Aujourd'hui, cet élitisme a été éradiqué. Si bien que le pauvre n'a plus accès aux "meilleures écoles". Quant au riche, ses diplômes ronflants sanctionnent une éducation médiocre. Si bien qu'il n'y a plus que notre élite qui se considère comme telle. Quand tout le monde a fait des études, être diplômé de l'ENA n'a rien d'admirable.
Au fond, le changement a réussi. Tout ceci a effectivement conduit à une uniformisation du pays. Que certains s'approprient des positions du seul fait qu'ils ont obtenu tel ou tel diplôme paraît maintenant une injustice. La suite du changement consistera-t-elle à éliminer cette injustice ? Ou un nouveau type de changement va-t-il démarrer ?