Le Poète, le surnom d’Antoine Simiac, candidat de l’opposition si populaire qui galvanise les foules grâce à ses envolées lyriques. Il vient d’être assassiné. Un drame bien sûr, mais une aubaine pour d’autres politiciens, qui voient là une excellente occasion de récupérer les fruits de sa campagne. Première étape: mettre en prison le tueur, très vite identifié. Dix-huit ans plus tard, François sort de prison. Vient alors à sa rencontre une jolie jeune femme: elle lui apprend qu’elle est sa fille, Zoé, que sa mère vient de mourir et qu’elle lui a révélé sur son lit de mort l’identité de son père. Furieuse d’avoir vu toute son enfance ternie par la prison, elle n’a qu’un désir: savoir qui a embauché François pour tuer Simiac et ruiner sa vie.
Entre manipulation politique et drame familial, cette intrigue a tous les codes pour être réussie. Après une introduction qui en rappelle les enjeux, elle se centre sur le personnage de François, sa sortie de prison, son passé qui ressurgit et la relation qu’il essaye de nouer, petit à petit, avec une fille dont il n’avait aucune connaissance. Très touchant dans sa reprise de contact avec la vie, il l’est aussi par la noblesse avec laquelle il souhaite faire table rase du passé et renoncer à se venger de ceux qui ont fait de lui un bouc émissaire de la politique. La relation père-fille qui se dessine, tortueuse et émouvante, m’a immédiatement embarquée, surtout devant les accès de colère de Zoé qui ne trouve pas la paix tant qu’elle ne connaît pas les responsables qui ont jeté François en pâture à l'a justice.
Mais rien n’est simple dans cette intrigue. Courte, elle ferait certainement une excellente nouvelle tant elle est parfaitement orientée et équilibrée vers sa chute. L’obsession de Zoé à connaître l’identité des commanditaires du meurtre prend très vite beaucoup de place, et menace sa relation naissante avec François. Nulle doute que cela cache quelque chose… Les fils se tissent habilement jusqu’au bout, et même si avec le recul les dernières pages n’ont rien de très original, elles laissent cependant sur une durable impression amère, comme si la résolution de l’intrigue n’était finalement pas franchement satisfaisante. Cela compense une intrigue minimaliste et un peu linéaire.
Pour souligner cette intrigue efficace, les dessins tout en noir et blanc soulignent cette ambiance de roman noir. J’ai souvent eu l’impression que François et Zoé se détachaient de l’ombre. Volontiers violent, torturé, le trait m’a beaucoup plu, notamment quand il met l’accent sur les visages qui ont côté à la fois brouillé et étonnamment expressif.
La note de Mélu:
Une très belle découverte.
Un mot sur les auteurs: Vincent Gravé (né en 1973) est illustrateur. Marcus Malte est un auteur français qui s’est aussi illustré dans les polars noirs pour adulte. D’autres de ses oeuvres sur Ma Bouquinerie: