En vietnamien, Mãn signifie "parfaitement comblée", "qu'il ne reste plus rien à désirer" ou "que tous les vœux ont été exaucés". C'est le prénom de l'héroïne de ce récit qui retrace des événements de sa vie de femme. Pour lui offrir une meilleure vie, sa mère la marie à un Vietnamien exilé au Québec et propriétaire d'un restaurant. Épaulée par son amie Julie, Mãn anime des ateliers de cuisine vietnamienne qui la mène sur les chemins du succès et de la reconnaissance et lui font rencontrer Luc dont elle tombe amoureuse.
J'ai beaucoup aimé cette courte mais intense lecture dans laquelle les thèmes de l'exil et de l'amour interdit sont traités avec beaucoup d'émotion. On suit le parcours de cette femme calme, silencieuse et transparente, qui se révèle dans la cuisine, auprès de son amie Julie et auprès de Luc. De discrète et effacée, elle devient sensuelle et passionnée et renait dans les bras de son amant.
"Comme Luc, j'avais un mariage parfait jusqu'à ce qu'il dégage mes cheveux avec le dos de ses mains et hume le côté de mon cou en me demandant de ne pas bouger, sinon il tomberait, sinon il hurlerait."
L'écriture de Kim Thúy est douce et belle. Le livre se compose de très courts chapitres qui se succèdent et forment ainsi par petites touches un beau portrait de femme. L'amour, les enfants, l'amitié, la cuisine mais aussi les boat-people, la guerre, l'exil, les différences de culture, la difficulté d'adaptation, sont autant de thèmes évoqués dans ce texte. Le tout avec la pudeur propre à Kim Thúy qui m'avait déjà séduite avec Ru. A la fin, l'auteur partage avec nous quelques recettes de cuisine car "la nourriture est omniprésente dans la vie des Vietnamiens. C'est par la cuisine que l'on exprime l'affection, l'amour, la tendresse".