Il y a ceux qui pensent en se rasant ; moi, c’est en prenant l’escalator. A force de le prendre plusieurs fois par jour, j’ai fini par y plaquer une certaine théorie, un semblant de philosophie. En son temps, l’escalator a été une « nouvelle technologie », une « technologie du futur », les différentes expositions universelles font état plusieurs fois de ces « trottoirs roulants et escaliers mécaniques ». On évoque souvent les nouvelles technologies (plus si nouvelles pourtant…) sous le terme de « prothèses », palliant à nos défaillances ou nous permettant d’accomplir des choses impossibles sans elles. Pourrais-je ainsi consulter autant d’articles chaque jour sans les flux RSS et les readers qui y sont associés ? Pourrais-je trouver ce que je cherche sur le web sans moteur de recherche ?
L’escalator est donc à la base une prothèse, permettant aux personnes à mobilité réduite de monter et descendre sans difficultés. Comme de nombreuses technologies, d’abord réservées à un public bien particulier, l’escalator a fini par conquérir un public plus large et par être utilisé par tout un chacun que l’on en ait un réel besoin ou pas.
Il y a ceux qui l’utilisent de manière active, ceux que l’on pourrait qualifier d’utilisateurs avancés, qui continuent de grimper tandis que l’escalator avance ; ceux qui l’utilisent de manière passive, se contentant de se faire pousser parce qu’ils ne peuvent faire autrement ou simplement parce qu’ils le veulent. C’est la liberté d’usage.
Il y a ceux qui l’utilisent de manière peu conventionnelle, hors des règles d’usage, qui se mettent tout simplement à gauche, gênant ainsi la circulation naturelle de l’escalator. Certains le font inconsciemment, ne s’avisant qu’avec surprise de la file de gens qui grognent juste derrière eux. D’autres en sont parfaitement conscients et s’en contrefichent. Peu leur importe qu’ils dérangent. Ils agissent suivant leur bon plaisir, contrairement aux règles tacites de savoir-vivre. Ils sont chez eux… Il se pourrait même s’ils en avaient le pouvoir qu’ils fassent une loi pour ériger leur bon plaisir en privilège, en dogme, quand bien même l’ensemble des utilisateurs leur démontrerait qu’ils ont tort. Il se pourrait même qu’il trouve mille raisons à ceci car « c’est pour votre bien ».
Parfois il y a foule et nous sommes tous obligés de stagner dans l’escalator. Impossible de l’utiliser de manière active et chacun prend son mal en patience mais il arrive parfois qu’un utilisateur bouscule tout le monde pour arriver à ses fins car il est plus pressé que vous, il a d’après lui des droits supérieurs aux vôtres et il aimerait que cela soit toujours ainsi.
Si l’on n’y prenait garde, c’est tout le paysage social et technologique de l’escalator qui pourrait en être changé… L’escalator peut prendre des tas de noms différents. Les utilisateurs tout autant… Et ses ennemis pareillement… Droit d’auteur, Hadopi, neutralité du net, lois peu démocratiques…
Vigilance…
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