Comme tous les ans, l’Association des Critiques de Bande Dessinée publie sa liste d’indispensables de l’été. Comme chaque année, je considère cette liste avec une certaine incompréhension. A qui s’addresse-t-elle ? Quel est son but ? Finalement, elle ne me semble que compiler une série de titres déjà couronné de succès, qu’ils soient attendus (L’Arabe du Futur, Le Rapport de Brodeck…) ou plus surprenants (La Favorite) et ne cherche pas à mettre en lumière des titres étant passés inaperçu. De plus, elle snobe de manière incompréhensible toute la bande dessinée asiatique et limite la bande dessinée anglo-saxonne à deux livres plus exigeants (le formidable Ici de McGuire et le attend mais décevant Sculpteur de Scott McCloud), ignorant les comics. Elle me semble s’addresser plutôt aux néophytes ou aux lecteurs “saisonniers”.Si le but est de faire découvrir des bandes dessinées aux personnes qui n’en lise peu ou pas, pourquoi ne pas élargir le champ d’expérimentation et inclure des titres de toutes les époques ? J’ai tenté de constituer une petite liste rapide, préférant les one-shot et les intégrales, quitte à exclure des séries trop longues (Sandman), des tomes isolés de série (tant pis pour les meilleurs Valérian…) les titres demandant une trop grande connaissance du média pour s’apprécier pleinement (Watchmen, qui demande un minimum de culture comics, à mon avis.Cette liste n’est sans doute pas très équilibrée et très incomplète, mais elle n’a pas vocation d’être LA liste. Il s’agit juste de ma simple contribution de bandes dessinées qui pourraient trouver leur place entre la crème solaire et les tongs et qui sont suffisamment épaisses pour durer un peu.
- Le Grand Pouvoir du Chninkel, un des premiers titres de fantasy en franco-belge signé par Rosinski et van Hamme, en congé de Thorgal. La Quête de l’Oiseau du Temps est l’autre référence, selon moi
- Batman – Année 1, ou la recréation du mythe de Batman par Miller et Mazzuchelli, un sommet du genre, qui s’apprécie sans aucune connaissance préalable puisqu’il remet les origines de Batman a plat (Mazzuchelli qui s’est par la suite dirigé vers des titres plus expérimentaux dont le formidable Asterios Polyp)
- C’était la Guerre des Tranchées, le chef d’oeuvre de Tardi
- Lupus, de la bande dessinée de science fiction qui sort des sentiers battus, et tant pis si le héros a un nom de maladie. C’est une merveille de sensibilité, mais on n’en attendait pas moins de lm’auteur de Pilules Bleues
- V pour Vendetta, une dystopie glaçante de Moore et Lloyd, que le film ne doit pas faire oublier (et de Moore, il y a aussi From Hell, qui vous fera frissonner)
- Ibicus, parce qu’unbon livre naît parfois d’un accident. Ici lorsque Pascal Rabaté a cru chiner un livre méconnu de Leon Tolstoï avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un homonyme: Alexis Tolstoï. Mais le livre lui a tellement plu qu’il l’a adapté, pour un résultat jouissif
- Black Hole de Charles M Burns, pour sa vision corrosive de la société
- Bone, parce que le mélange du Seigneur des Anneaux et de Carl Barks, c’est vraiment une bonne idée et une grosse brique à savourer
- Ici, parce que Richard McGuire signe un des chefs d’oeuvredu 9ème art (comme Chris Ware avec son Jimmy Corrigan)
- Le Journal de mon Père, parce que Taniguchi sait (parfois) traduire les sentiments les plus subtils avec beaucoup de pudeur (comme dans Quartier Lointain)
- NonNonBâ, le grand prix angoumoisin que personne n’a lu, et c’est bien dommage parce que ce récit initiatique d’un jeune japonais est magnifique
- Le Photographe, juste parce que c’est merveilleux d'humanité et de beauté (comme La Guerre d’Allan)
- Gens de France et d’Ailleurs, parce que Jean Teulé est au départ un auteur de bande dessinée qui avait déjà une sacré plume et que ces reportages dessinés sont épatants
- Ballade de la Mer Salée, parce que Pratt est indispensable
- Habibi parce que même si je n’aime pas Craig Thompson, je ne peux pas lui nier un vrai talent de conteur et de page turner (vaut aussi pour Blankets)
- Paracuellos(ou toute autre série de son cycle sur l’Espagne Franquiste) de Carlos Giménez, merveille d’humanité, solaire, émouvant et interpellant.
- L’Incal, grande série de SF barrée et délirante signée du maître Moebius et Jodorowski
- Thorgal - Le cycle de Qâ, du grand Thorgal qui se suffit à lui-même
- Les Tours de Bois-Maury, belle intégrale des 10 tomes de la série médiévale d’Hermann, rude mais humain
- Le Transperceneige, science-fiction sociale et intelligente(et dans une moindre mesure, Requiem Blanc), et un peu de fraîcheur pour contrer les rayons trop forts du soleil
- Trillium, un récit inclassable, entre SF et uchronie, mais surtout enthousiasmant
- La Fièvre d’Urbicande, sans doute mon opus préféré des Cités Obscures, d’une logique imparable
- Texas Cowboy, parce que c’est malin, ludique et drôle
- Maus, parce que vous en avez déjà entendu parler des dizaines de fois, mais n’avez peut-être pas encore lu, ce qui est bien dommage (vaut aussi pour Persépolis)
- Le Collectionneur, parce que la farniente invite à s’abandonner dans les images fantasmagoriques de Toppi. Pour une pointe d'exotisme, préférez sa version des contes des 1001 nuits: Sharaz-De
- Peter Pan, ré-inventé (ré-enchanté?) par Loisel
- Quai d'Orsay, parce que c'est une des séries qui m'a le plus fait rire depuis longtemps