Le bloc européen, au nom de la convergence, a injecté des sommes considérables sous forme d’emprunts copieusement souscrits par la sphère publique et privée de l’espace européen. Le ratio Dettes /PIB s’est dégradé pour atteindre 177 % du PIB. Mais qu’a-t-on font pour vérifier le bon emploi de cet argent ? Hélas rien... Les grecs ont profité d’un système financier européen sans contrôle ni en amont ni en aval.
Qu’ont-ils entrepris pour moderniser leur économie, diversifier leurs secteurs d’activité, réformer le système des retraites outrageusement plus généreux que le plus riche des pays européens ? Rien ! Car ils se sont laissé bercer par les délices de la pseudo-convergence européenne déversant des montagnes d’euros peu couteux, la seule convergence qui ait fonctionné ayant été celle des taux d’intérêt créant artificiellement une illusion monétaire qui se révéla être un poison pour l’Europe et la Grèce.
Résultat : une première déflagration en Avril 2010 secoue les marchés financiers provoquant une première prise de conscience de l’ampleur des dégâts. A cette époque les créanciers privés ont mis la main à la poche avec un « hair cut » de 50 % de leur créance sur la Grèce. La question de la soutenabilité de cette énorme dette pour un aussi petit pays se posait. Une tentative de mutualisation du risque de défaut de la dette grecque (moyennant des réformes de structure du pays) au niveau européen avait été proposée sans succès. L’Allemagne s’est en effet fermement opposée à contre garantir l’équivalent de 35 Mds €, pour se retrouver quelques mois plus tard créancière de 720 Mds € vis-à-vis des pays périphériques et donc de la Grèce au sein du mécanisme TARGET 2.
Entre temps la contagion a gagné l’ensemble des pays du sud de l’Europe les contraignant à emprunter sur les marchés à vil prix. Cet énorme surcoût aurait sans doute pu être épargné à ces pays déjà fragilisés par des conditions macroéconomiques fortement dégradées. Pourtant, à cette époque, le gouvernement grec en place était bien plus coopératif. Si la France avait été moins docile vis-à-vis de l’Allemagne, nous aurions davantage progressé dans les négociations avec les grecs, pour arriver à un accord plus satisfaisant que celui que nous finirons par obtenir. Nous avons ainsi loupé cette occasion.
Pour s’en convaincre regardons les avancées réalisées par ce pays en 2014. Le déficit budgétaire proche de 14 % en 2008 a été ramené à moins de 3,80 % en 2014 soit un score meilleur que la France. La balance des paiements courants en déficit de 15 % en 2008 est devenue excédentaire de 1% en 2014 ! Mais en six mois, le gouvernement d’Alexis Tsipras aura détruit toutes les avancées et les efforts consentis par le peuple Grec. Alors que le gouvernement Grec, fort de cette faiblesse européenne, pratique le chantage, souffle le chaud et le froid, décrédibilise l’espace européen aux yeux du monde et menace de se jeter dans les bras des russes ou des chinois.
Dans le même temps, l’Europe montre son incapacité à dégager la moindre stratégie, la moindre ébauche de perspective et se laisse dériver dans une vision germanique de notre continent, qui consiste à n’en faire qu’un ensemble de petites Allemagnes. Le sens est dans la différence et l’Europe grâce à ses cultures, ses savoir-faire différents et complémentaires dispose d’une force considérable pour aborder l’avenir. Que peut-il se passer à présent ? Comment les Grecs peuvent-ils se sortira de ce mauvais pas ? Ont-ils intérêt à sortir de l’euro en abandonnant leurs créanciers à leur triste sort ? La réponse est non sur le plan financier et non sur le plan Politique. Sur le plan financier, un défaut de la Grèce soulagerait considérablement le budget de l’Etat, le contraindrait à une sortie de la zone euro donc de l’euro et au passage à une nouvelle monnaie qui ne manquerait pas d’être très fortement dévaluée. La Grèce serait ainsi contrainte de « s’autofinancer » car le recours aux capitaux extérieurs lui serait pour longtemps impossible. Le passage à une monnaie fortement dévaluée pourrait rendre cette économie plus compétitive mais encore faut-il qu’elle dispose d’une économie exportatrice ce qui n’est pas le cas !
En contrepartie, le prix des produits importés s’en ressentirait et réduirait encore plus le pouvoir d’achat des Grecs. Cela signifie en clair que la Grèce ferait cavalier seul, ne pouvant que compter sur elle-même. Ainsi l’équilibre des finances publiques est impératif, la balance des soldes courants ne pouvant plus être déficitaire. Un grand saut dans le vide !
Dans son histoire lointaine, la Grèce a eu à faire face à ces mêmes difficultés. Ainsi Solon porté au pouvoir en 594 avant Jésus Christ avait mis en place des réformes appelées « seïsachteia », signifiant allègement, visant à pratiquer un « hair cut » sur la dette grecque.
Les responsabilités sont particulièrement bien partagées entre une Union Européenne, tatillonne dans la mise en œuvre de ses multiples règlementations et aveugle face à d’aussi graves tricheries, et une Grèce bien incapable de se réformer et coupable d’avoir dilapidé les sommes considérables reçues, pour des dépenses court-termistes négligeant les dépenses d’avenir et l’investissement productif facteur d’emploi et de prospérité pour son peuple.
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Le peuple grec après s’être « lâché » sur le référendum va clairement jouer la carte de la négociation, car après de nombreux efforts consentis sur le pouvoir d’achat, il se voit aujourd’hui privé de monnaie d’échange. La voie la plus probable est le maintien dans la zone euro, des aménagements sur les retraites, une hausse de la TVA qui sera dès l’année prochaine supportée par des non-résidents mais aussi la mise en place d’un cadastre, la levée de l’impôt sur les grandes fortunes, le shipping et le clergé. En revanche le haircut sur la dette grecque doit être totalement oublié, seul le rééchelonnement sera acceptable et accepté. Le compromis est à portée de main et il est de l’intérêt de l’Union Européenne et de la Grèce.
La vraie question reste l’avenir économique de la Grèce. Comment injecter non plus de l’argent mais des projets industriels et commerciaux ? Ne pourrions-nous pas aider ce pays en faisant le choix de remettre en cause certaines délocalisations, en revenant sur le continent européen plutôt que de s’envoler systématiquement à l’autre bout du monde ? Une vraie politique européenne est à construire car aujourd’hui elle fait cruellement défaut et nous en payons aujourd’hui le prix fort. PIB : 247 Mds $ Progression 2014 : 0,69%
Population : 11 millions d’habitants
Dettes totales : 316 Mds $ soit 177% du PIB
Rating S&P : CCC - outlook : négatif
Taux de chômage : 26 %
Principaux Remboursements des dettes :
2015 : 21 Mds€
2017 : 9 Mds€
2019 : 10 Mds€
2042 : 64 Mds€
Des prix à la production en baisse permanente : -5%
Une inflation à -2%
Depuis décembre 2014 la masse monétaire M3 s’est contractée de 30 Mds €
A propos de l'auteur : Daniel Gerino est président et directeur de la gestion de Carlton Sélection.