Sécurité

Publié le 10 juillet 2015 par Malesherbes

J’habite en face d’une école musulmane. Si elle ne bénéficie pas d’une garde statique, elle fait cependant l’objet d’une surveillance particulière sous Vigipirate. Alors que le stationnement payant est possible des deux côtés de notre rue, des poteaux de signalisation l’interdisent sur toute la largeur de la façade de cette école. Cet espace libre est particulièrement attirant pour des automobilistes cherchant désespérément où se garer. Mais la surveillance est  permanente, tous les jours, dimanche compris, et j’ai même vu des voitures emportées en fourrière à deux heures du matin. Il est aussi arrivé qu’une équipe de déminage fasse exploser un paquet abandonné devant l’école.

Il y a quelques jours, je remarque un sac en papier kraft appuyé contre une des portes de cette école, désertée par élèves et enseignants en cette période de ramadan. Je décide alors d’accomplir ce que j’estime être mon devoir de citoyen. Sur un carton informatif déposé par quelqu’entreprise de dépannage, je relève le numéro de téléphone du commissariat de mon arrondissement. Je compose ce numéro. On me répond « Préfecture de police ». J’expose la raison de mon appel. On me prie d’appeler le commissariat de police de mon arrondissement (je pensais y être) et on m’indique un autre numéro.  Je l’appelle, pour m’entendre dire « Préfecture de police », suivi d’une très très longue mise en attente qui a  finalement raison de ma patience. Je raccroche, appelle le 17 où je peux enfin exposer mon cas, donnant mes nom et adresse. On me dit : « On va passer voir ».

Une demi-heure plus tard arrive une voiture de police. Un policier en sort, se dirige vers la porte en question, se saisit du sac et le déplace. Pendant ce temps sa collègue sonne à une autre porte de l’école. Un occupant se met à la fenêtre et elle le hèle : « c’est vous qui avez téléphoné ? ». Je l’interpelle de ma fenêtre, lui disant « c’est moi » et je descends dans la rue. S’engage alors un dialogue stupéfiant : 

-          -  Où avez-vous vu un colis suspect ? 

-          -  J’ai parlé d’un sac de commissions en papier kraft.

-          -  Dans ma rue, il y a souvent des sacs devant des portes.

-          -  Peut-être mais il n’y a pas forcément une école musulmane sous Vigipirate.

-          -  Vous ne pouviez pas vous approcher pour vérifier ?

-          -  Dans cette situation, mon premier réflexe est au contraire de m’éloigner.

-          -  Vous vous rendez compte, déplacer une voiture pour un sac de chez Mac Donald’s !  

Comme je lui expliquai que la surveillance était assez sérieuse pour justifier l’envoi d’un camion-grue en pleine nuit, elle prit cette remarque pour la protestation d’un automobiliste mécontent  de voir interdits des emplacements devant chez lui. Elle se trompait lourdement : vivant depuis des lustres dans Paris sans voiture, le stationnement est la dernière de mes préoccupations. Mais sa réaction démontre qu’elle conçoit sa fonction comme celle d’un agent de répression plutôt que comme celle d’une force de protection.   

Elle me demande alors nom, adresse, date de naissance, numéro de téléphone et je bredouille quelques excuses que, radoucie, elle me semble bien vouloir accepter.

Et je m’en allai, furieux de  m’être laissé intimider par l’uniforme et de n’avoir pas prononcé tous les mots qui me viennent aux lèvres ensuite :

-          -  Savez-vous que votre mission est d’assurer la sécurité des citoyens ?

-          -  Que jugez-vous comme préférable, vous déplacer une fois de trop  ou une fois de pas assez ?

-          -  Comment identifiez-vous un paquet suspect ?

-        -  Si je vous comprends bien, il suffit de recouvrir une bombe d’un emballage de chez MacDo pour ne pas attirer l’attention.

Tout cela n’a pas grande importance si ce n ‘est que cela démontre, ce dont on se doutait déjà, que certains ont oublié qu’ils étaient gardiens de la paix. Cela laisse également supposer que nos forces de police n’ont pas toutes  intégré que nous étions dans une situation de guerre et qu’un surcroît de vigilance n’était pas inutile.