Charley’s War est un chef-d’œuvre de la bande dessinée britannique, paru sous forme d’épisodes dans la revue britannique Battle entre 1979 et 1986. Excepté quelques épisodes publiés dans les magazines “Bengali” et “Pirates”, cette histoire réalisée par Pat Mills et dessinée par Joe Colquhoun n’avait pas encore réussi à franchir la Manche. Grâce au label Delirium, fruit d’une collaboration entre les éditions Ça et Là et 360 Media Perspective, cette véritable perle du neuvième art est dorénavant éditée chez nous en dix tomes. Ce septième tome contient 29 épisodes de trois pages, parus en 1982.
Alimentée par des faits authentiques, ce récit qui traite de la guerre 14-18 invite à suivre les aventures de Charlie Bourne : un jeune « Tommy » de 16 ans qui, en mentant sur son âge, se retrouve au front, à quelques jours de la terrible bataille de la Somme. Le fait de suivre les pas de ce jeune britannique un peu stupide, mais courageux et foncièrement bon, permet non seulement de plonger le lecteur dans le quotidien de la Première guerre mondiale, mais surtout de lui faire découvrir le point de vue anglais.
Après avoir relaté la fameuse bataille de la Somme et s’être intéressé d’un peu plus près à l’armée française lors de la bataille de Verdun, Pat Mills avait accordé une brève permission à Londres à son héros. Le cinquième tome mettait cependant fin à cette trêve et envoyait Charlie Bourne sur le front des Flandres, au cœur de la saillie d’Ypres. En fin de tome précédent, la compagnie de Bourne était envoyée à Étaples en camp d’instruction, pour une formation qui montrait les relations tendues entre officiers et soldats et pointait une nouvelle fois du doigt la hiérarchie militaire. Les mauvais traitements, les conditions de vie déplorables et les nombreuses injustices faisaient progressivement monter le mécontentement des soldats au camp d’entraînement à Étaples.
Ce tome débute en septembre 1917, au moment où le meurtre du caporal Wood par un gradé déclenche une mutinerie de grande ampleur au camp d’Étaples. Une fois la situation réglée, notre ami Charlie se porte volontaire pour être brancardier. Bien décidé à sauver des vies afin de soulager une conscience toujours hantée par ce peloton d’exécution où il a dû tirer sur des collègues, Charlie délaisse donc les armes pour un métier où les chances de survies sont néanmoins trois fois plus faibles que celles d’un soldat. Des interventions dans la boue, sous les rafales ennemies, au trafic odieux de morphine, en passant par des transfusions sanguines sans vérification du groupe sanguin, Pat Mills montre un « bel » aperçu de cet aspect-là de guerre. Il rend ensuite un dernier hommage aux brancardiers en suivant les pas d’un vétéran qui se rend au mémorial de la Grande Guerre à Ypres en 1982, afin d’y retrouver la trace de l’homme qui lui a sauvé la vie dans les tranchées. Ce petit bond dans le futur permet également de découvrir une ville d’Ypres reconstruite après la guerre. En fin d’album, l’auteur revient finalement sur l’importance des chars anglais lors de la Bataille de Cambrai en novembre 1917, pour conclure l’album sur l’apparition surprenante de l‘estafette Adolf Hitler…
En se servant de Charlie et de ses amis comme fil rouge, Pat Mills restitue une nouvelle fois avec grand brio tous les aspects de la Première guerre mondiale. Si le réalisme de ces scènes tirées de faits réels impressionne, c’est surtout l’humanité dégagée par cette œuvre qui fait mouche. Au sein de la Grande Histoire, Pat Mills invite en effet à découvrir les petites histoires de simples soldats. Le graphisme noir et blanc de Joseph Colquhoun fourmille de détails et contribue également à dépeindre le quotidien des soldats avec énormément de réalisme.
Une saga incontournable !