Heimat ou le retour aux sources

Par Melopapilles
Certaines adresses ferment et nous procurent un pincement au cœur, d'autres ouvrent et nous réjouissent. Heimat, la toute dernière enseigne du chef Pierre Jancou, suisse d'origine, italien d'adoption et parisien de cœur (La Bocca, Vivant, Racines…) est une des belles surprises de l'année 2015. Un restaurant tant attendu qui respire l'Italie au travers d'un menu unique en cinq services en soirée (trois pour le déjeuner qui n'est malheureusement plus d'actualité), dans un cadre paisible et épuré qui reste cependant chaleureux : la porte à peine franchie, on s'y sent comme à la maison. On se déconnecte du quotidien pour se laisser bercer par la douce atmosphère du lieu. Les salles voutées, toutes de pierre, sont sombres et éclairées le soir par des lumières tamisées et une multitude de petites bougies. On s'imagine dans les caves d'un château, entouré de vins naturels. C'est sobre, minimaliste et beau… tout comme les assiettes, qui vont à l'essentiel des saveurs, travaillées juste ce qu'il faut sans chichi. Et puis, avec un nom pareil et une si belle enseigne (création de mon ami Romain Gnidzaz), l'avenir d'Heimat ne pouvait être que prometteur. 

Voici un aperçu des différents repas que j'ai eu le plaisir de déguster, pour vous donner une idée de la cuisine inventive et variée servie chez Heimat. Le premier, un diner, deuxième soir d'ouverture. Focaccia & lard de colonnata / Tortellini & queue de bœuf, bouillon de poireaux, coques / Lotte & céleri rave, cédrat, cime di rapa / Spagetthi & oursins, kumbawa / Canette, algue & betteraves fumées, endives / Poire & bergamote, amandes, marjolaine. À boire, un Prosecco Valdobbiane, Casa Coste Piane, Treviso et 'Le Canon' 2013, Domaine La Grande Colline (Rhône Nord). Une "mise en bouche" plus que convaincante qui n'appelle qu'à revenir au plus vite découvrir les talents du chef toscan Michele Farnesi. Puis un deuxième repas tout aussi savoureux que le précédent, avec une mention spéciale pour la tarte au citron absolument renversante de la pâtissière Marion Goettle, et la découverte d'un vin rouge souple et doux d'Andréa Calek, vigneron tchèque installé dans l'Ardèche (Vallée du Rhône). Un déjeuner si calme et ensoleillé, riche en échanges avec le chef et la clientèle - de quartier - qu'on aurait aimé y trainer tout l'après-midi… Porchetta & salsa verde / Frigitelli, maquereau & ail / Cabillaud, pomme de terre, aroche & groseilles / Rigatoni au ragoût de canette, origano & pecorino / Tarte citron & thym meringuée. Et pour le dernier déjeuner de juin, après un verre de vin blanc (Albana, Nord de l’Italie) léger et minéral, d’une belle couleur ambrée, et un rouge du Roussillon (vins au verre dont les références m’ont échappé), le chef nous fait goûter un vin surprenant (orangé, vendanges tardives de décembre) : le 'Jauni Rotten' de Pierre Beauger (Auvergne, Sauvignon). Panzanella, poulpe & courgettes / Bruschetta langue de veau, salsa verde & coques (excellentissime) / Rigatoni, ragoût de canette, origan, pecorino / Maquereau, tortilla & céleri-branche, kalamata / Tarte à la rhubarbe meringuée, une folie tout aussi délicieuse que la fameuse tarte au citron.

Heimat s'impose assurément comme une évidence, avec une forte identité, un lieu qui ressemble au Pierre Jancou d'aujourd'hui - comme les autres ont pu l'être auparavant, et s'inscrit dans une histoire joliment racontée par François Simon dans le recueil La table vivante (aux Éditions Skira). Un bout de chemin parmi les autres, on l'espère pendant encore un certain temps.
Restaurant Heimat, 37 rue de Montpensier, Paris Ier