Même si je peste souvent contre le Grand Palais, il n'y a pas à dire, pour une rétrospective, les espaces sont chouettes. Surtout lorsque le peintre concerné crée aussi bien des toiles gigantesques que des peintures plus réduites. Et puis, il y a de la place. On n'est pas trop frustré question mètres carrés. Mais pourquoi choisir de parler autant des suiveurs et contemporains de Velázquez que du "peintre des peintres" lui-même ?
L'organisation de cette exposition est hyper classique. C'est la bonne rétrospective des familles, qui retrace la carrière du peintre depuis l'atelier de Pacheco à Séville jusqu'à sa mort, comblé d'honneurs, à Madrid.
A Séville, on commence avec la production religieuse de Velázquez et de Pacheco. Tout n'est pas très excitant et j'ai eu un peu de mal à reconnaître dans ses premières œuvres la main de Velázquez. En passant à ses bodegones, c'est déjà plus clair. S'ils conservent une part de sacré, le profane est bien présent avec ces pauvres gens, dans des camaïeux de brun. On voit déjà la virtuosité et la vibration de ses couleurs et de ses textures. J'ai regretté que plus d’œuvres de cette période n'aient pas été prêtées. Elles sont à la fois sensibles et simples. Un peu le contraire de ce qui nous attend après avec les toiles mythologiques et les toiles royales. On change de format, on éclaircit la palette tout en retenant les leçons des caravagistes... Oui, Velázquez a changé de commanditaire. Il devient peintre du roi dès 1623 et, sur les conseils de Rubens, il voyage en Italie pour compléter sa formation. A son retour, il continue à peindre le roi Philippe IV, son héritier, Baltasar Carlos, et la cour. Là, on regrette que Les lances n'aient pas fait le voyage depuis Madrid. Tout comme on regrette Les Ménines, quelques salles plus loin.
L'expo se poursuit essentiellement à travers des portraits, celui du pape Innocent X, des comédiens, de la princesse Marguerite aux robes impressionnantes. On admire la beauté des textures et des couleurs. Chaque portrait nous étonne par sa force et sa présence. Et personnellement, je ne me suis pas du tout lassée d'eux.
Par contre, la suite m'a paru beaucoup moins passionnante. Les grands tableaux de la fin, Les Ménines et Les fileuses sont restées à Madrid. Bon, c'est certainement mieux pour leur conservation. Du coup, on nous montre la version Juan Bautista Martinez del Mazo.
Toute cette partie sur les suiveurs de Velázquez m'a semblé à la fois longue et peu intéressante. Car les suiveurs sont quand même bien en dessous du maître. Et en quelques tableaux, on a compris. Pas besoin de tous nous les mettre ! A se demander qui est au cœur de la rétrospective. Et pourtant, cette partie est essentielle pour comprendre la problématique des attributions à Velázquez : c'est l'éternelle question de savoir qui a fait quoi, du maître ou de l'élève.
C'est d'ailleurs une question qui parcourt toute l'expo. On peut lire sur les cartels des "attribués à" qui permettent au visiteur d'envisager la question. Pour l'historique détaillé des attributions successives, il faut s'en référer au catalogue.
Une exposition qui permet d'aborder la carrière du peintre espagnol tout en sensibilisant le visiteur à la problématique des attributions, c'est pas mal. Si l'on ajoute les chef d’œuvres exposés, ça devient encore plus chouette. Et ça donne envie de prendre un billet pour Madrid pour voir le reste ! Pour ceux qui n'auraient pas le temps d'aller voir l'expo avant qu'elle ne ferme, c'est peut-être la solution. Vous pouvez tenter Vienne aussi, il y a toute une série de portraits royaux là-bas !