Et puis les touristes

La critique  

 Amour, mémoire et cynisme :  Auschwitz comme vous ne l'avez jamais vue au cinéma

Des paysages d'un vert apaisant, le soleil, les touristes...On ne soupçonnerait jamais à première vue que ce décor presque idyllique où débarque le beau Sven (Alexander Fehling) est en fait Auschwitz, ville qui fut un temps le plus grand camp de concentration et d'extermination nazi. Sven y vient pour effectuer son service civil en s'occupant d'un vieil homme, M. Krzeminski (Ryszard Ronczewski), survivant de cette sombre période historique qui passe son temps à témoigner et partager ses douloureux souvenirs. Entre l'étudiant et le sénior, la communication peine à s'instaurer et les journées se font de plus en plus austères. Ne maitrisant pas le polonais, avec ses cheveux blonds et son physique aryen, Sven a bien du mal à tisser des liens avec les habitants et est avant tout l'objet de diverses railleries. Mais voilà qu'il rencontre Ania (Barbara Wysocka), une jeune polonaise qui organise des visites guidées des anciens camps. Elle a une chambre à louer chez elle , Sven devient son locataire et ils ne tardent pas à sympathiser. Alors qu'un début de relation s'installe entre ces deux jeunes gens plongés dans l'ennui d'une ville morte, leurs aspirations opposées ne vont pas tarder à les forcer à descendre de leur petit nuage...

Et puis les touristes (Am ende kommen Touristen, en V.O.) est un titre qui sied à merveille à ce film à la fois mélancolique et cynique. Auschwitz , théâtre des plus grandes abominations de l'Histoire est devenu quelques décennies plus tard un parcours touristique pour gens qui s'ennuient. Le film de Robert Thalheim interroge donc sur la mémoire d'un tel incident d'envergure, d'une façon collective ou individuelle. En ce sens, le personnage de M. Krzeminski est particulièrement fort. Convié dans les collèges ou à l'inauguration d'entreprises, ce vieillard qui est parvenu plus ou moins à reprendre une vie normale sert de mémoire , est le témoin sensé émouvoir le public , offrir du spectacle ou simplement se donner bonne conscience. Lors d'une scène poignante, nous le découvrons convié à une cérémonie à l'occasion de l'implantation d'une entreprise allemande à Auschwitz. S'il est le bienvenu pour prendre une photo avec les gérants de l'usine, son discours est carrément coupé en plein milieu car jugé "pas assez divertissant". Voilà ce qu'il reste de ces tragiques années...Sans jamais être moraliste et tomber dans la dénonciation facile, ce long métrage atypique déploie cynisme et finesse pour dépeindre toute la complexité qui émanent de cette fêlure historique qui n'a pas le droit à l'oubli.

Mais ce qui fait aussi et surtout tout le charme de ce film sans aucune prétention malgré ses nombreuses qualités, ce sont ses intrigues parallèles. Dans cet Auschwitz de carte postale où le souvenir de la mort est devenu un business à part entière , déambule le jeune Sven. Un jeune homme qui se cherche, ne sait pas trop ce qu'il va faire de sa vie, un homme enfant en quelque sorte. Ce passage en Pologne va être l'occasion pour lui d'apprendre à mieux se connaitre lui-même et de délaisser petit à petit sa naiveté, en gros devenir un homme. Une initiation à la vie, la découverte de la complexité humaine, de l'histoire mais aussi et surtout de l'amour. Tout sauf superficielle, la relation sentimentale entre les personnages de Sven et Ania est assez irrésistible et rend cette oeuvre définitivement attachante. Imaginez le meilleur d'un épisode de Dawson mêlé à un fond historique et un cinéma d'auteur de qualité. C'est surprenant et fabuleux en même temps. Avec une grande finesse d'écriture, une réalisation sobre, une photographie de toute beauté et un casting on ne peut plus charmant : Et puis les touristes est ainsi une des plus jolies surprises de l'année.

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