"La veille de sa passion, il prit le pain dans ses mains très saintes et, les yeux levés au ciel, vers toi, Dieu, son Père Tout-Puissant, en te rendant grâce, il le bénit et le rompit et le donna à ses disciples en disant,
prenez et mangez-en tous ; ceci est mon corps livré pour vous."
De même à la fin du repas, il prit dans ses mains cette coupe incomparable, et te rendant grâce à nouveau, il la bénit et la donna à ses disciples en disant ;
Prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés."
A quelques nuances près, nous retrouvons la même formulation dans toutes les Prières Eucharistiques. Elle vient du Nouveau Testament, tant des évangiles que de la Première aux Corinthiens.
Une question se pose alors légitimement : pourquoi est-ce une coupe de vin? Pourquoi pas seulement une coupe d'eau?
Jésus avait fait professsion d'une vie rudimentaire, itinérante, détachée de richesses matérielles. Aussi pouvait-il très bien offrir une eau pure, purificatrice, lors de la Cène, et parce qu'il avait comme intention d’instituer un nouveau rite en sa mémoire, il pouvait encore enseigner à ses disciples qu'il leur fallait vivre d'amour et d'eau fraîche.
Les raisons pour lesquelles il est néanmoins certain qu'il s'agissait de vin tiennent aux Ecritures et au rôle politique et religieux que ce breuvage a toujours tenu.
Juste avant (Saint Luc) ou juste après (Saint Marc, Saint Matthieu) le récit de l'Institution de la Cène, Jésus ajoute : "Je vous le dis en vérité, je ne boirai plus jamais du fruit de la vigne, jusqu'au jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu." (Marc, 14, 25)
Aussi le lien est-il naturel de penser que le fruit de la vigne est le vin. Et, par assimilation à la couleur du sang, il y a tout lieu de penser que ce pouvait être du vin rouge.
Le premier a vouloir offrir du pain et du vin en signe de réconciliation est Melchisédek : ce dernier est un prêtre, il s'interpose entre Abraham et le Roi de Sodome au moment où ceux-ci se rencontrent pour un traité de paix. Melchisédek s'adresse à Abraham et lui offre le pain et le vin.
Or, Melchisédek vient du pays de Canaan, des terres que Noë a données à Cham, son fils, après sa malédiction. Rappelons que Noë a été supris ivre et nu par Cham, son fils cadet. Au lieu de taire ce qu'il a vu, Cham le révèle à ses deux frères. Noë a alors maudit toute la descendance de Cham, en particulier Canaan, à qui il a attribué peu ou prou ce qui serait aujourd'hui les territoires palestiniens, israëliens, jordaniens...
Les autres lignées recoivent l'Ethiopie, l'Egypte et l'Arabie.
De ce partage inéquitable, qui tire son origine de l'ivresse de Noë, Melchisédek en réconciliateur et en envoyé de Dieu, n'en tire aucune rancoeur. Il enterre l'âge de guerre par une première messe, ou une première eucharisitie.
Jésus réitère le geste de Melchisédek comme réconciliateur : il parle bien d'une Alliance nouvelle. Surtout, il fait boire la coupe à Judas et à Pierre, celui qui le dénoncera et celui qui le reniera.
Il est une autre visée politique dans les actes de Jésus : certains refusaient de boire le vin. Ce sont les naziréens et les rékabites. Ils avaient fait voeu d'abstinence pour respecter la parole de Moïse, mais aussi parce qu'ils n'étaient pas sédentaires. Aussi ne pouvaient-ils pas s'occuper de vignes. Au cours des siècles, les naziréens et les rékabites ont vécu en nombre particulièrement réduit, on pouvait considérer, certes de façon abusive, qu'ils fondaient une secte. Deux naziréens sont célèbres : Samson et Saint Jean Baptiste, dit le Précurseur, cousin de Jésus.
Jésus en partageant une coupe de vin veut évidemment réunir tous les hommes, ceux qui croient aux paroles des anciennes écritures, qui avaient un attachement opiniâtre aux pratiques cérémonielles des Juifs ou qui étaient observateurs de la loi de Moïse, et ceux qui le croient le Messie, ces nouveaux chrétiens convertis du judaïsme.
C'est donc une réconciliation terrestre et céleste qui justifie pleinement que le vin soit partagé à même la coupe et non pas versé dans des gobelets, comme c'en était pourtant l'usage.
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