« N’opposez pas la vie et le corps ! ».
Injonction qui nous rappelle ce que dit Durckheim : « La vie n’est pas dans le corps ; le corps vivant (Leib) est la vie qui s’organise et se réalise selon son ordre ; l’être n’est pas dans le corps ; le corps vivant (Leib) est l’être qui s’organise et se réalise selon sa propre loi ».
Entrave la vie tout ce qui est statique. C’est pourquoi le maître zen attire notre attention sur le fait que, lorsqu’on pratique la méditation de pleine attention, l’ennemi est la « contraction ».
En réalité, parce que la vie est action, parce que l’être est action, l’ennemi est la contre-action.
L’ensemble des contre-actions qui s’opposent aux actions qu’est l’être.
La contre-action est la marque de ce que Durckheim appelle le « moi mondain » indissociable de la « conscience-ego » (mind) pour laquelle il importe de se fixer dans un état d’être permanent. C’est le désir fondamental de l’ego : se maintenir dans une forme, un état d’être permanent. Afin d’éviter ce danger, ne pratiquez pas par cœur !
Je sais, pratiquant moi-même quotidiennement, que le danger qui me guette est la routine.
Aussi, nous devons, chaque jour, reprendre l’exercice à zéro. Exercer la tenue juste, la forme
corporelle juste, l’exercice de la respiration juste ‘’comme si‘’ c’était la première fois. Jusqu’au jour où vous ferez l’expérience que ces actions du corps vivant n’ont pas un caractère permanent et s’organisent, se réalisent, se renouvellent, d’instant en instant.
De la même manière, exercez la parfaite immobilité ‘’comme si‘’ c’était la première fois. Jusqu’au jour où vous ferez l’expérience que, contrairement à l’idée que se fait un observateur extérieur, l’absolue immobilité du corps n’est pas quelque chose de statique ; la parfaite immobilité est pleine de la vie qui nous fait vivre et coule en nous comme l’eau du ruisseau coule … coule. C’est en exerçant l’absolue immobilité que j’ai senti, vu, goûté, que « être, c’est devenir et que devenir, c’est être ».
Expérience confirmée lorsqu’on exerce la pleine attention au souffle vital. Evitez, à tout prix, de
vouloir fixer l’attention. L’attention est une ressource du corps vivant qui coule, comme le souffle coule. La pleine attention à l’inspir qui se présente, la pleine attention à l’expir qui se présente est l’expérience immédiate de la loi de l’impermanence. Loi de la vie que l’ego refoule parce qu’elle contrarie sa vaine espérance : « Moi je suis Moi et je veux rester Moi ! »
Lorsque, parlant de la méditation, j’ai dit à Graf Durckheim « Je crois que j’ai un sérieux problème avec la respiration », il a souri et m’a répondu « Je ne suis pas sûr que vous avez un problème avec la respiration, mais ce qui est sûr, c’est que la respiration a un problème avec vous ! ».