Le 23 juin 1875, suite à des pluies ininterrompues depuis plusieurs jours, des inondations catastrophiques se produisent dans le Midi de la France. L’annonce de ces crues est tout d’abord discrète dans les quotidiens : Le XIXe Siècle, Le Constitutionnel, Le Figaro, Le Gaulois, Le Journal des débats politiques et littéraires, Le Petit journal, La Presse, Le Rappel, Le Siècle, Le Temps, L’Univers. Mais, au fur et à mesure que les dépêches arrivent, les journaux accordent une place de plus en plus importante à ce désastre.
Vue de Toulouse photographiée par Antoine Provost, 1875
C’est à Toulouse que les dégâts sont les plus importants : la Garonne détruit trois des quatre ponts de la ville et inonde tout le quartier Saint-Cyprien, forçant ses 20 000 habitants à fuir en abandonnant tout. A Montauban, la Garonne couvre en certains endroits une largeur de 4 à 5 kilomètres. Gaston Vassy, envoyé spécial du Figaro, rapporte la destruction complète de plusieurs villages et fait état de centaines de morts et de milliers de maisons détruites. Paul Roche, envoyé spécial du Gaulois, décrit la foule des personnes qui prennent le train pour essayer de retrouver leur famille, les maisons qui s’écroulent dans un bruit sinistre après la décrue, les enterrements en fosse commune. Alors que Le Constitutionnel publie la lettre d’un soldat ayant participé aux opérations à Toulouse, l’ensemble des journaux célèbre les actes héroïques ou le rôle de l’armée, comme dans Le Siècle. Les drames occupent également une place importante dans les colonnes.
Après la crue, les travaux de déblaiement commencent : les maisons menaçant de s’écrouler sont détruites à la dynamite et la recherche des corps est parfois abandonnée face aux risques d’épidémie, comme à Verdun. Le Constitutionnel et La Presse rapportent les problèmes de salubrité, les baraques de bois édifiées pour se loger, la pénurie de pain.
Figaro-album : portrait de Mac Mahon, 1875
Face à l’ampleur de la catastrophe, le maréchal-président de Mac Mahon se rend dans le Midi et déclare à son arrivée : « jamais je n’ai vu si affreux spectacle, même sur les champs de bataille ». La solidarité nationale s’organise, ce dont se félicite Le Gaulois : un crédit de deux millions de francs est voté par l’Assemblée nationale, de nombreuses souscriptions sont ouvertes en France comme à l’étranger et des spectacles sont donnés au profit des sinistrés, comme par exemple un poème d’Henri de Bornier déclamé à la Comédie Française.
Pour autant, les controverses surgissent. La Presse critique le chantier de déblaiement qui n’avance pas, les ingénieurs qui n’ont pas su prévoir la catastrophe. Le refus des députés de gauche d’un prélèvement automatique sur leurs traitements est critiqué par Le Figaro. Le Rappel dénonce les journaux catholiques voyant dans l’inondation un châtiment divin et Le Siècle s’attaque à une « feuille bonapartiste » raillant la parcimonie républicaine. Le Gaulois et L’Univers répondront à ces attaques dans leurs colonnes avant que la catastrophe ne disparaisse petit à petit des journaux…
A voir aussi, le site Toulouse, ville inondée, ville inondable et le Journal de Toulouse numérisé par la bibliothèque municipale de Toulouse.
Wilfried Muller – département Droit, économie, politique