Je ne peux pas dire qu’on n’ait rien vu venir et pourtant elles sont arrivées si vite, ces vacances. Comme si nous avions été lancés à toute allure tout le mois de juin, et que nous freinions soudain dans un grand crissement de pneus. Le dernier jeté de cartable à peine la porte passée. Les larmes qui coulent encore quelques minutes après la haie d’honneur formée pour les grands de CM2 par l’école entière, le départ sous les applaudissements et le cœur qui se serre lorsqu’on quitte l’enfance pour toujours. Le dernier jeté de cartable à peine la porte passée, on le rangera quand on y pensera, au grenier celui-là, au collège il préférera un sac à dos bien sûr. Quand ça nous prendra cet été, on fera une caisse en carton, on y rangera les cahiers les dessins les souvenirs de cette année-là. Qu’on jettera certainement plus tard, quand on se sera attaché à d’autres classes, d’autres lieux, d’autres visages.
Le premier soir où on a pu veiller un peu plus longtemps. Le premier samedi sans tennis, solfège ou violoncelle. Sans jongler avec les horaires, sans course pour manger. Le premier ennui, parce qu’on n’a pas encore l’habitude de ne devoir rien faire. Ralentir s’apprend, l’oisiveté s’apprivoise, la paresse se savoure, c’est le bonheur de l’été.
Alors on a pris le temps de ne rien faire, de marcher plus doucement que d’habitude, de ne pas dire on est en retard dépêche toi tu feras tes lacets dans la voiture. Alors on a traîné à table, mis les restes en commun et fait la fête plus tard que de raison avec les amis et c’était plus joyeux que grave, tant pis pour les petits yeux le lendemain. On a mis les jupes courtes les petits hauts et marché pieds nus dans l’herbe. On s’est baigné encore une fois, on a repris du gâteau, on s’est attardé dehors à soigner les fleurs qui avaient eu chaud, on a regardé le ciel prendre feu vers l’ouest, on n’est allé se coucher que lorsqu’il a fait noir, pour une fois. Il y a des signes qui ne trompent pas : les vacances sont là.