Titre original : Penny Dreadful
Note:
Origines : États-Unis/Angleterre
Créateur : John Logan
Réalisateurs : James Hawes, Brian Kirk, Damon Thomas, Kari Skogland
Distribution : Eva Green, Timothy Dalton, Josh Hartnett, Rory Kinnear, Reeve Carney, Danny Sapani, Harry Treadaway, Billie Piper, Simon Russell Beale, Helen McCrory, Sarah Greene…
Genre : Épouvante/Horreur/Thriller/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombres d’épisodes : 10
Le Pitch :
À son réveil, Ethan Chandler comprend que le massacre de l’auberge qu’il a involontairement causé risque de compromettre sa vraie nature. Alors qu’il annonce sa volonté de prendre le large à Vanessa Ives, celle-ci est prise pour cible par des créatures démoniaques, qui se révèlent être des sorcières. Placées sous l’autorité d’une mystérieuse femme aux intentions maléfiques, ces dernières obligent Chandler à reconsidérer sa décision.
De son côté, le Dr. Frankenstein prépare le corps de Brona, afin d’en faire une compagne pour sa créature…
La Critique :
Avec son équipe de personnages, dont certains sont issus du panthéon de la littérature fantastique, la série Penny Dreadful a réussi ce que beaucoup d’autres ont seulement rêvé, à commencer par des films comme La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. La première saison, remarquable sur bien des points, a ainsi posé les bases d’une mythologie complètement réinventée, à partir d’un collage aussi audacieux qu’ambitieux. Seul regret : avoir expédié un peu rapidement un méchant, clairement identifié comme étant le Comte Dracula et avec lui le pauvre Van Helsing, alors qu’une implantation plus durable aurait probablement été encore plus bénéfique au show.
On touche justement du doigt ce qui reste comme le plus gros défaut de Penny Dreadful. Un défaut inhérent aux œuvres comprenant un trop grand nombre de personnages.
Car si les véritables héros sont identifiés (Vanessa Ives, Malcolm Chandler, Ethan Chandler, Victor Frankenstein…), d’autres, plus secondaires, ne jouissent pas d’une exposition suffisante pour justifier complètement leur implication dans l’histoire.
La seconde saison confirme ainsi cet état de fait, même si les derniers épisodes tendent à rectifier le tir. Surtout en ce qui concerne Dorian Gray, cette entité mystérieuse et trop anecdotique pour que l’on sache vraiment ce qu’il peut apporter à la dynamique d’une série à laquelle il n’est pas du tout indispensable. Dans ce second acte, l’immortel dévoile enfin le tableau qui encaisse toutes ses blessures et tous ses vices, mais le suspense entourant ses actes et ses intentions se fait encore trop nébuleux pour convaincre totalement quant à sa fonction. En soi, c’est lui qui cristallise un peu la tendance de la série à parfois vouloir trop en faire, en étoffant une intrigue qui se suffisait pourtant largement à elle-même. Cela dit, encore une fois, les ultimes épisodes tendent à déboucher sur quelque chose de satisfaisant le concernant, et il faudra donc attendre la saison 3 pour savoir si la présence de Gray était vraiment une bonne idée ou juste un artifice, histoire d’inclure une figure très populaire de la littérature britannique.
Autre problème amplifiée dans cette seconde saison : la propension du script à ralentir volontairement sa progression. Peut-être l’impression est-elle due à l’ajout de deux épisodes supplémentaires par rapport à la première saison, où est-ce car l’histoire de sorcières autour de laquelle tout est plus ou moins articulé, n’a pas les épaules assez larges, mais le rythme prend ici un petit coup dans l’aile. Rien de grave cependant, mais suffisamment pour voir poindre, de temps à autre, l’ennui.
Lorsqu’on déboule avec quelque chose d’aussi énorme que le premier acte, difficile de continuer à tenir bon ses positions tout en allant toujours de l’avant. Penny Dreadful, malgré une petit baisse de régime, démontre sans cesse, et là est bien le principal, qu’elle ne compte pas se reposer sur ses lauriers.
Et puis, quoi qu’il en soit, on parle toujours d’une œuvre magistrale sur de nombreux aspects. Visuellement, Penny Dreadful survole la concurrence. Baignée dans de somptueux décors, retranscrivant à merveille une ambiance poisseuse et terriblement immersive, la série sait aussi, par la seule force des tableaux qu’elle compose, diluer une émotion prégnante et une peur insidieuse. Une impression renforcée par sa faculté à ne jamais avoir peur d’appuyer là où ça fait mal dans ses thématiques ou dans le déferlement de violence qui accompagne régulièrement les pérégrinations des personnages.
Ces derniers d’ailleurs, pour la plupart, évoluent et permettent aux acteurs de jouir de partitions stimulantes. Aussi bien pour eux que pour nous les spectateurs. Toujours au centre, plus venimeuse que jamais, Eva Green est la reine qui focalise toute l’attention, au point de parfois faire de l’ombre, sans le vouloir, à ses camarades. Timothy Dalton notamment, un poil trop en retrait ce coup-ci, ou Reeve Carney (Dorian Gray), dont le jeu vraiment trop étriqué atteint ses limites. D’autres, par contre, en profitent pour s’envoler. Le plus notable étant Josh Hartnett, dont le personnage ne cesse de s’étoffer. Massif, charismatique, puissant mais vulnérable, il incarne avec beaucoup de dévotion et de nuances une figure emblématique du cinéma d’horreur, sans jamais tomber dans les clichés opportunistes. Idem pour Harry Treadaway, alias le Dr. Frankenstein, dont l’interaction avec une nouvelle créature, incarnée par l’intense Billie Piper, lui permet d’explorer un côté obscur peuplé de cauchemars. Mention également à Rory Kinnear, alias John Clare, la créature de Frankenstein, baroque et touchante à souhait, tout en étant vraiment terrifiante à ses heures. Même Danny Sanpani, qui incarne Sembene, le guerrier de Malcom Murray, se taille la part du lion. Dommage que la série lui impose encore trop de limites…
Parcouru de vrais morceaux de bravoure, épique, sanglant, dramatiquement intense et nourri d’une émotion complexe et d’un puissant lyrisme, ce deuxième acte pêche ainsi par quelques ratés, durant lesquels l’intrigue piétine. Le dénouement va regrettablement dans ce sens, en cela qu’il amoindrit l’impact de la menace qui pèse sur les héros tout du long, affirmant in fine, que l’important n’est pas la destination mais le voyage. Au-delà des démons qu’elle impose à ses personnages, comme autant d’épreuves, Penny Dreadful souhaite avant tout rester focalisé sur les monstres cachés dans l’inconscient de ces derniers. Quitte à ce qu’à la fin, le soufflet ne retombe un peu vite…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Netflix / Showtime