Au Congo il est particulièrement délicat de demander ouvertement à son interlocuteur à quelle tribu il appartient. Cela fait partie d’un ensemble de questions assez sensibles. Sachant que, dans un pays en guerre depuis l’indépendance, nombre des conflits sanglants s’expliquent par des querelles interethniques.
Pourtant la tribu est l’une des toutes premières choses que l’on cherche à connaître à propos d’un ami, d’un collègue, d’un (e) prétendant (e), d’un coreligionnaire ou d’une relation d’affaires. Et ce n’est pas toujours avec des arrière-pensées: il est des moeurs tribales assez vivaces avec lesquelles il faut composer afin de rompre la glace. Connaître la tribu de quelqu’un c’est un peu le connaître d’avance.
À cet effet, il suffit de savoir quel est le patronyme de telle personne pour en apprendre déjà sur son appartenance tribale. Sauf quelques exceptions à compter sur les bouts des doigts ( cas des ethnies voisines) chaque peuple a son « stock de patronymes » dans lequel les familles vont chercher les noms à conférer à leurs enfants.
En outre, tout citoyen congolais se rendant dans une administration publique en vue de l’obtention d’un document officiel est souvent tenu d’indiquer son nom et ses origines territoriales (village, secteur et province). Les origines territoriales permettant de situer avec certitude les racines ethniques, les chantres d’une RD Congo unie et indivisible apprécieront.
Une carte d’électeur-crédit photo: infosbascongo.net
D’ailleurs nos cartes d’électeur ( qui font office de carte d’identité) contiennent toutes ces informations.
On a beau voir le jour dans une grande ville comme Kinshasa ou Lubumbashi et se garder de se rendre au village natal de ses parents, sa carte d’électeur rappelle toujours d’où on vient. C’est la loi et personne ne peut s’y opposer.
Pour ma part, je n’ai rien contre le fait de rattacher une personne à ses origines tribales. Mais je mets en garde contre une instrumentalisation de cette question telle qu’on la vit depuis 55 ans dans tous les aspects de la vie. Les observateurs avisés assurent que lors d’un processus de recrutement, les identités des candidats suffisent parfois à les partager. Preuve s’il en est de l’ampleur du problème.
Aussi je rappelle que lors du génocide rwandais, la présentation de sa carte d’identité était un motif suffisant pour décapiter une personne à la machette. Car chaque carte d’identité portait la mention « Hutu » ou « Tutsi ». Nous sommes loin d’assister à un génocide au Congo, mais nos cartes d’électeurs peuvent toujours valoir à quelques-uns d’entre nous des sérieuses mésaventures.