"Salesman" d'Albert et David Maysles, Charlotte Zwerin

Par Lesalondeslettres @Salon_Lettres


Réalisation : Albert et David Maysles, Charlotte Zwerin
Scénario : Albert et David Maysles
Genre : Documentaire (comédie)
Sortie en 1968
Nationalité : Américain
Production & distribution : Maysles Films
Avec Paul Brennan ("The Badger")
Durée : 90 minutes
Noir et Blanc, 16 mm

La caméra suit quatre vendeurs de bibles pendant deux mois à travers les séquences de vente, de Webster, dans le Massachusetts, à Opa-Locka, en Floride.

Mon ressenti par rapport à ce film est plutôt mitigé. Ce documentaire m'a vraiment gêné dans le sens où les représentants sont prêts à tout pour vendre leurs bibles, peu importe si leurs "victimes" sont pauvres, âgées, immigrées, ou s'ils en possèdent déjà une (qui, parfois, leur est chère).

De Boston et alentours à Chicago puis la Floride, nous suivons quatre représentants ( Salesman signifie Le Vendeur de Bibles) qui essaient de vendre un maximum des Bibles. D'ailleurs, dès le commencement du film, le sujet est donné : "La Bible est le livre le plus vendu au monde" ou encore "Le business de la Bible rapporte". Pour se donner une idée, une bible peut valoir 49,95 $, mais tous ne possèdent pas l'argent pour en acheter une. Les vendeurs, et c'est ce qui m'a répugné, n'ont aucun scrupule et ils se moquent même parfois de leurs clients : des fauchés, une femme qui n'en aurait pas parlé à son mari, un étudiant... Ce système va jusqu'à remettre un prix au "Meilleur vendeur de Bible" ! On les voit s'entraîner ensemble, un joue le client et l'autre fait une démonstration de sa technique de vente. Ces vendeurs représentent le désir de réussite, le rêve américain. J'ai aimé lorqu'une cliente, raccompagnant le commercial à sa voiture, lui déclare "Vous roulez en décapotable par ce froid ?". J'ai trouvé cela ironique en comparaison, par exemple, avec les clients qui s'étaient engagés à prendre une bible sans pouvoir se le permettre.

Le film marche surtout sur les gros plans : les représentants et les clients, dont on voit alors tout le désarroi dans leurs yeux, on voit qu'ils sont tentés d'acheter une bible, sous la démarche insatiable du vendeur, avec de l'argent qu'ils n'ont pas.

Le film a été scénarisé mais c'est intéressant de voir à quel point les clients ont l'air "vrais". On ne dirait vraiment pas qu'ils jouent, alors qu'ils devaient bien percevoir la caméra qui était à leurs côtés. Il n'y pas de commentaire en voix-off, ce sont les personnages qui parlent entre eux, et c'est ce dispositif qui nous permet de suivre l'histoire.

Les commerciaux m'ont agacés au plus haut point : ils ne comprennent pas les clients fauchés et n'en sont même pas touchés ! Je sais, je ne ferai jamais carrière en tant que commerciale, et ce genre de démarche m'horripile ! Pour autant, j'ai trouvé ce film intéressant et je suis contente que mes cours de cinéma m'aient permis de le découvrir - de moi-même je ne l'aurai certainement pas vu. Je trouve que ce film est très réussi dans le sens où l' on ne voit pas que c'est scénarisé et que ce n'est pas la vie réelle mais que tout a été préparé (d'ailleurs, dans mes recherches sur ce film, je n'ai pas trouvé d'informations relatives aux choix des clients...). C'est David qui a déniché les vendeurs qui portent tous des surnoms dans le film : Paul Brennan est "The Badger" ("l'embobineur" - comme tous les autres !!), James Baker "The Rabbit" ("le lapin", car il est jeune et très impulsif), Raymond Martos "The Buffalo" et Charles McDevitt "The Gipper". Cela permet de les individualiser un peu plus car dans le film je trouvais que deux commerciaux se ressemblaient beaucoup physiquement, et on a aucun aspect privé de leur vie (même s'ils jouent dans ce documentaire) donc c'est uniquement leur activité professionnelle que les réalisateurs ont souhaité montrer à travers ce film.

=> Je conseille ce classique de cinéma-vérité aux plus curieuses et curieux d'entre vous. Bien que j'ai exécré la démarche commerciale abusée des personnages (mais c'est ce qui se passe dans la réalité), ce film documentaire reste intéressant pour les dispositifs filmiques employés (narration, plans, réalisme).

Extrait en anglais du début du film