Elle qui aspire à une vie tranquille, qu'a-t-elle fait de mal pour être ainsi chassée ? Il est vrai que le Premier consul craint que le salon de Mme de Staël ne se transforme en club d'opposants. Elle aimerait tant retrouver Paris, s'installer dans le petit hôtel particulier de la rue de L'Isle qu'elle a loué pour y passer l'hiver, revoir ses amis, aller au Louvre avec Auguste et Albertine, admirer les toiles des maîtres italiens de la Renaissance. Elle irait au spectacle, à la Comédie-Française, à l'Opéra-Comique. Elle a soif de nouveautés.
Il n'y a pas d'équivalent actuel d'une telle célébrité. L'Europe entière l'admirait. Ses livres étaient des best-sellers. Ses intimes écrivaient l'Histoire et Napoléon disait d'elle : " J'ai quatre ennemis, la Prusse, la Russie, l'Angleterre et Madame de Staël ". Laurence de Cambronne raconte la vie de cette femme exceptionnelle à travers 24 journées décisives. Enfant surdouée de Necker, le ministre des Finances de Louis XVI, Germaine de Staël traverse la Révolution, le Consulat et l'Empire en devenant une femme très différente du type de femme admis à son époque. D'abord un écrivain politique de grande envergure : ses quinze livres la montrent libérale, démocrate et européenne quand on était royaliste, jacobin ou bonapartiste. Son salon est le début éblouissant de ce qui deviendra " le Groupe de Coppet ", du nom de son château en Suisse, l'Elysée intellectuel de toute une génération, le rendez-vous de l'intelligentsia européenne. Elle connait Voltaire et Diderot, le tsar de Russie et le roi de Suède, Jefferson et Lord Byron. Ses amis s'appellent Juliette Récamier, Talleyrand, Lafayette ou Chateaubriand. Elle était immensément riche, immensément généreuse et tous ceux qui l'entouraient ont profité de sa fortune. Sa vie est une course poursuite devant Napoléon qui l'exile sans cesse loin de Paris puis hors de France parce qu'il se juge attaqué par chacun de ses livres. Cette femme forte, grande intellectuelle qui ne craignait pas de s'opposer à l'Empereur, est en même temps une grande amoureuse. Elle a de l'ordre dans l'esprit et du désordre dans les sens, c'est ce qui la rend si émouvante. Car elle se donne facilement aux hommes - on ne compte plus ses nombreuses aventures - et elle tombe amoureuse à chaque liaison. Elle envahit les hommes d'une passion dévorante, insatiable et souffre d'être délaissée parce qu'elle les a étouffés de son amour. Germaine a cinq enfants de quatre pères différents et, en mère fusionnelle, les emmène partout avec elle à travers l'Europe au cours de ses innombrables voyages. En avance sur son temps, elle milite pour le divorce, pour le droit des femmes au bonheur, pour la liberté d'expression et l'abolition de l'esclavage. Germaine de Staël est un personnage profondément attachant, une amoureuse aspirant au bonheur mais aussi une féministe, une intellectuelle visionnaire, une femme au destin si romanesque dont son amant Benjamin Constant disait : " Si elle avait su se gouverner, elle aurait gouverné le monde ".
Portrait de Madame de Staël par Élisabeth-Louise Vigée Le Brun
Quel livre passionnant pour une vie passionnante ! Ma lecture a été un coup de coeur ! Je ne sais pas si c'est réellement dû à la plume de l'auteure mais les moments plongés dans ces lignes m'ont réjouies ! Je n'ai jamais rien lu sur Madame de Staël mais je savais qu'il le faudrait car on la désigne comme ce que l'on appelle aujourd'hui une féministe avant l'heure et comme la potentielle première femme politique. Pourtant, je suis tombée sur ce livre totalement par hasard au salon du livre de Paris 2015. La couverture seule m'a attirée l'oeil et cela a été l'occasion de parler avec l'auteure en personne !
Je ne connaissais rien de la vie d' Anne-Louise-Germaine Necker, plus connue sous le nom de Madame de Staël et, grâce à ce livre, j'ai appris plein de choses ! C'était une figure qui m'intriguait, je la gardais dans un coin de ma tête en me disant que ses pensées pourraient m'intéresser. Je l'ai trouvé être une personne très originale : elle ne cesse de changer de lieu d'habitation (il y a parfois de quoi s'y perdre, malgré la bonne écriture de l'auteure), elle tombe "régulièrement" amoureuse... ou enceinte (elle a eu cinq enfants), travaille beaucoup en se mêlant de politique, ce qui n'est pas pour plaire au misogyne Napoléon notamment. Des faits m'ont fort surprise : sa venue à la cour de Versailles le 31 janvier 1786, sous l'oeil de Marie-Antoinette, ne se passe pas très bien, sa relations assez... disons difficile avec Bonaparte (donc je comprend maintenant le choix du sous-titre) ou encore le projet de mariage de Madame de Staël avec Axel de Fersen, oui, l'amant supposé de Marie-Antoinette (!) mais celle-ci va tout faire pour détourner le mariage vers le baron Eric de Staël-Holstein (et elle réussit !). Sa vie était à la fois passionnante et pleine de souffrance. Ses prises de positions politiques sont impressionnantes, ses exils innombrables, ses écrits divers... Pourtant, elle est la fille de Jacques Necker, qui sera ministre des finances sous Louis XVI, et de Susanne Curchod qui tient un salon avec des personnalités importantes, telles que Voltaire, Buffon ou encore Grimm. La mésentente avec sa mère m'a attristée, elle qui l'a (le mieux) éduqué en la laissant assister à ses salons du vendredi soir (la chanceuse !). Plus tard, et tout au long de sa vie, Madame de Staël ne cessera jamais de tenir des salons (le salon de la rue du Bac notamment) ; jusqu'à sa mort d'ailleurs où elle n'assiste pas au souper mais inscrit sur un plan de table d'installer François-René de Chateaubriand aux côtés de Juliette Récamier, qui vivront par la suite un amour de trente ans. Madame de Staël tient des salons qui réunissent des gens aux opinions diverses, car elle aime les oppositions. La passionnée des salons littéraires que je suis n'a pas pu s'empêcher de se réjouir de ces réunions où l'on parle de sujets intéressants et qui ne réunit que des intellectuels. On ne se soucie pas trop de l'étiquette comme à la cour, bien au contraire. Jusqu'à une certaine période on mangeait où l'on était puis vient le temps où l'on prend l'habitude de se réunir tous ensemble dans la salle à manger et Germaine a eu du mal à s'y faire...
J'irai jusqu'à remercier Laurence de Cambronne pour cette oeuvre. Comme l'a souligné le magazine Elle (dont elle fût rédactrice en chef), elle ne se contente pas d'écrire une biographie traditionnelle mais elle s'est concentrée sur vingt-quatre jours importants de sa vie. Par ailleurs, chaque journée (chapitre) est précédée d'un résumé sur ce qui va suivre ou sur le contexte historique. Le seul reproche que je pourrai faire, avec un demi-sourire, est que l'oeuvre soit trop brève. En effet, les pages se tournent toutes seules et il ne m'a fallu qu'une journée pour achever l'ouvrage. Pourtant, plus de pages ne m'auraient pas dérangées, bien au contraire ! Dans tous les cas, il s'agit d'un excellent livre qui m'a appris l'essentiel sur Madame de Staël et je suis très contente d'être tombée dessus par hasard lors du salon de livre de Paris.
J'ignorais totalement que Benjamin Constant avait été son amant et cela me donne d'autant plus envie de lire son oeuvre Adolphe que Madame de Staël s'y est reconnue comme personnage.
Pour savoir si Madame de Staël fera définitivement partie de mes modèles, je n'ai plus qu'à me lancer dans la lecture de ses oeuvres ; celles que j'ai déjà ( De la littérature, Trois nouvelles) et celles que je vais me procurer car je veux absolument toutes ses oeuvres dans ma bibliothèque !! J'ai lu cette semaine son essai De la littérature (je ne compte pas en faire un article mais à votre demande je pourrai en écrire un billet). Le texte était philosophique mais cela n'a pas atténué mon intérêt pour l'ouvrage : tout en parlant de littérature, Germaine de Staël évoque ses idées sur l'abolition de l'esclavage, la position des femmes... En attendant, je conseille À TOUS cet ouvrage bref, clair mais qui contient l'essentiel sur la vie d'une femme extraordinaire, Madame de Staël.
Laurence de Cambronne, en pleine dédicace de son livre devenu mien :-))