Le Baromètre « Luxe et Désirabilité 2015 Promise BNP Exane » expliqué par son créateur, Philippe Jourdan

Publié le 06 juillet 2015 par Darkplanneur @darkplanneur

En exclusivité pour Darkplanneur, nous avons interrogé Philippe Jourdan, CEO de Promise Consulting, afin qu’ils nous expliquent les résultats du Baromètre Promise BNP Exane « Luxe et Désirabilité 2015″ 

Darkplanneur: « Quelle est votre définition de la désirabilité ? »

Philippe Jourdan : « La désirabilité est sans doute la notion la plus complexe à appréhender et par conséquent à mesurer. Elle est par essence multidimensionnelle. En réalité, le désir pour une marque de luxe et le désir amoureux répondent à une même logique. La marque de luxe doit susciter le désir, un subtil équilibre entre la volonté de posséder ou de jouir et une attente parfois longue de l’objet longtemps convoité. Une marque de luxe a ce pouvoir particulier de se réinventer en permanence et par conséquent de créer les mécanismes d’un désir entretenu, ce que nous appelons ici la « désirabilité » ».

D: »Quelles sont les fondamentaux de votre équation de la désirabilité ? »

PJ: »Plusieurs dimensions participent de la désirabilité pour une marque : une dimension d’ordre intime car la recherche de l’objet convoité renvoie nécessairement à une quête de soi, d’accomplissement sinon de sens ; une dimension sociale car la désirabilité renvoie nécessairement à la relation à l’autre. Au final, une marque est désirable lorsqu’elle s’inscrit dans une proximité forte avec un public qu’elle a elle-même choisi sinon élu, lien qui relève à la fois du physique (et qu’incarne le produit) mais aussi du mystique (que nourrit l’image et l’histoire de la marque). Ce lien charnel et spirituel se nourrit naturellement des produits, des services, de l’image, des valeurs et du type de relations que la marque construit dans le temps avec son public. Enfin, la force des grandes marques, c’est précisément de savoir préserver cet équilibre entre d’une part des attentes fortes d’une clientèle élitiste et un positionnement volontairement assumé qui se veut également visionnaire et donc parfois décalé. D’où notre conviction forte que la désirabilité et l’exclusivité sont des dimensions qui fonctionnent ensemble : trop peu d’exclusivité affaiblit la désirabilité, trop d’exclusivité finit par « tuer » la désirabilité en créant une distance infranchissable. Le parallèle est évidemment ici saisissant avec le désir amoureux ! »

D: « Pourquoi concentrer votre baromètre uniquement sur les femmes les plus fortunées ? Pourquoi ne pas construire un baromètre de la Désirabilité sur la Génération Y inspiratrice du luxe de demain ? »

 PJ: « Nous avons souhaité dans un premier temps répondre à une exigence forte des plus grandes marques de luxe dans l’univers de la Mode (prêt-à-porter, chaussures et sacs) : disposer d’une mesure de la désirabilité des 15 marques les plus exclusives sur le marché français. Cet objectif a donc dicté notre choix de la cible, volontairement élitiste car les femmes les plus fortunées forment le cœur de clientèle le plus courtisé par toutes ces belles marques. Dans le temps, il est prévu d’étendre notre mesure à d’autres segments du luxe, sur d’autres marchés (Chine, Etats-Unis, Amérique du Sud, etc.) et sans doute à d’autres cibles. Alors oui pourquoi pas un focus sur la prochaine génération d’acheteurs de ces marques.

D: »Vous associez Désirabilité et levier de croissance. Pourquoi ? »

PJ: »L’indice de désirabilité est extrait d’un modèle plus complet appelé Monitoring Brand Assets® et que nous mettons en œuvre depuis maintenant près de 10 ans pour le compte des plus grandes marques dans le secteur du luxe et des cosmétiques. C’est précisément les enseignements des études menées dans le cadre de ce modèle qui nous ont permis de comprendre (et de quantifier) le lien entre le niveau de désirabilité d’une marque et son potentiel de croissance dans le temps. La croissance résulte d’un équilibre entre un niveau d’exclusivité qui traduit le projet visionnaire et élitiste de la marque et un seuil de désirabilité qui favorise le recrutement de nouveaux clients, nourrit la fidélité à la marque et plus important fédère un réseau d’ambassadeurs de la marque. Grâce au bouche-à-oreille, la marque entretient et diffuse son image sans jamais franchir les frontières d’un cercle d’initiés volontairement choisis. A cet égard, il existe un lien évident entre la désirabilité d’une marque et sa présence assumée sur les médias digitaux. »

D: « Votre classement 2015 montre le triomphe du luxe à la Française, cela va à l’encontre de l’étude opinion way/gemmyo2014 qui montrait une fracture entre le luxe et les CSP+ français. Pourquoi ? »

 PJ: »Je ne pense pas qu’il y ait une contradiction entre les deux études. Nous ne mesurons pas la même chose, ni exactement auprès du même public mais certaines de nos conclusions se rapprochent. L’étude d’Opinion Way pour le compte de la marque de joaillerie Gemmyo met en avant les raisons suivantes pour expliquer le fait qu’un grand nombre de Français ne se reconnaissent plus dans certaines marques de luxe : leur caractère ostentatoire ou « bling-bling » (80%), leur caractère provoquant (66%), froid, impersonnel (60%) et parfois leur manque d’élégance (51%). Chacun conviendra que les marques qui figurent au sommet de notre classement de désirabilité et d’exclusivité échappent à la sévérité de ce jugement (Chanel, Louis Vuitton, Salvatore Ferragamo, Dior, etc.). Ajoutons également que si les marques françaises occupent les premières places de notre palmarès sur la dimension d’exclusivité, elles sont fortement « challengées » par les marques italiennes (dont Salvatore Ferragamo) sur le critère de désirabilité, un signe que les codes du luxe à l’italienne (qualité, créativité, séduction et charme dans une relation plus accessible) font recettes et obligent toutes les marques à se remettre en question. »

D: » Comment expliquez-vous la sous performance d’Hermès et d’YSL dans le classement des marques les plus désirables ?

PJ: « Les raisons sont ici différentes pour les deux marques. S’agissant de la marque Hermès, sa 10ème place en désirabilité est le reflet d’un caractère exclusif volontairement entretenu mais sans doute trop segmentant y compris auprès de la clientèle la plus fortunée. Rappelons que notre baromètre porte sur le prêt-à-porter, les sacs et les chaussures, afin d’y associer le plus grand nombre de marques de grand luxe dans l’univers de la mode féminine. Sans préjuger de la grande qualité des collections de prêt-à-porter d’Hermès, reconnaissons qu’entrer dans l’univers et les codes de la marque en prêt-à-porter n’est pas toujours évident (et ce d’autant plus que la marque est relativement discrète en matière de part de voix publicitaire). Le départ de Christophe Lemaire de la direction artistique du prêt-à-porter féminin n’est peut-être pas étranger à ce constat. Attendons de voir la direction qui sera prise par Nadège Vanhee-Cybulski. Quant à YSL, le constat est sans doute un peu différent. La femme française a indiscutablement un attachement très fort pour cette marque indissociable du patrimoine français et pour son icône, Yves Saint Laurent. Pour autant, elle peine à se retrouver dans le parti-pris des dernières collections de la marque, placées sous la direction artistique de Hedi Slimane. Le succès rencontré à l’international n’éclipse pas totalement un scepticisme plus marqué de la part de la clientèle française, dont l’ancrage historique avec la marque et son créateur sont naturellement différents. »

D: » Quel est l’impact du digital sur la Désirabilité des marques de luxe, peut-il la menacer et si oui comment ? »

PJ:« Je ne suis pas d’accord avec le fait de considérer que le digital est une menace pour la désirabilité des marques de luxe. Pour paraphraser Coco Chanel, ce qui menace la désirabilité d’une marque de luxe, c’est la « vulgarité » ! Pourquoi associer digital et vulgarité ? La percée de Burberry qui occupe le 6ème rang en Désirabilité dans notre baromètre n’est-il pas la preuve évidente que l’on peut relancer une marque de luxe en faisant le pari d’une communication digitale de qualité susceptible d’impliquer une audience en partie renouvelée. Saluons au passage la grande cohérence du travail de fonds effectué par le duo Angela Ahrendts et Christopher Bailey sur les collections, la communication, le digital, mais aussi l’architecture, l’aménagement et l’emplacement des points de vente dont le célèbre Flagship du 56 rue du Faubourg Saint Honoré. Plus que tout ce qui prime ici, c’est la mise en musique harmonieuse de tous les supports de visibilité et de communication de la marque. La qualité du chef d’orchestre est aussi importante que l’œuvre musicale elle-même. »

D: »Quand est-il d’un classement international de la Désirabilité ? »

PJ: »Devant le succès rencontré par notre baromètre sur la France, il semblait naturel de le reconduite en partenariat avec BNP-Exane qui nous apporte une expertise sectorielle solide et très complémentaire à l’International. Rendez-vous donc à la rentrée, sans vous en dévoiler plus pour l’instant. »

Méthodologie

  • Mode recueil : Access Panel en ligne.
  • Période de collecte : Mars 2015.
  • Cible : 297 femmes les plus fortunées selon la classification ESOMAR (catégorie A).
  • Echantillon : échantillon représentatif de la pop. française de 18 ans et +. (n=3000)
  • Sujet : Baromètre « Exclusivité et Désirabilité » 2015.
  • Liste : 30 marques[1] évaluées (disponibles sur demande).
  • Méthodologie : Monitoring Brand Assets®

 A propos de Promise

 Promise est un groupe de conseil et d’études marketing réunissant les sociétés Promise Consulting Inc., JPL Consulting et Panel On The Web. Promise intègre des prestations de conseil et d’études à forte valeur ajoutée. Elle a créé une méthodologie innovante de mesure de la performance de marque et du ROI des investissements centrés sur la marque : Monitoring Brand Assets©. Cette méthodologie a été déployée dans plus de 35 pays à date, porte sur l’étude de 250 marques dans les secteurs les plus divers et totalise près de 1.000.000 questionnaires administrés en ligne. Etabli à Paris, New-York et Casablanca, le groupe mène des études et des prestations de conseil dans le monde entier. Il est plus particulièrement reconnu pour son expertise en matière de mesure de la valeur de marque (brand value) du point de vue des consommateurs. Promise a su développer des méthodes et des modèles innovants récompensés 7 fois en 10 ans par la profession au plan national et international. Il accompagne les plus grandes marques de luxe, de cosmétiques et de distribution sélective dans leur développement sur le marché national et les marchés étrangers. Il intervient également dans de nombreux secteurs d’activité, chaque fois que les marques souhaitent disposer d’une stratégie de croissance éclairée pour mieux comprendre leur marché, s’adresser à leurs consommateurs, séduire et fidéliser leurs clients : grande conso, automobiles, biens d’équipements, produits financiers, etc. La société est également certifiée OPQCM et Social Media.Le CEO de Promise Consulting, Philippe Jourdan, est rédacteur en chef de la revue de l’Adetem, la Revue Française de Marketing (RFM) depuis 2011. Il publie dans des revues académiques de niveau international sur les problématiques de valorisation de marques dans les secteurs du luxe, de la beauté et de la distribution sélective. Il publie également dans la presse économique et d’actualités (Le Monde, Les Echos, Le Figaro, l’Opinion, La Revue des Marques, etc.). Il est également professeur des universités, chercheur à l’IRG (CNRS) et lauréat du Meilleur Article de Recherche AFM 2000.