Depuis l’archéen jusqu’à nos jours, les minions ont évolué en suivant un maître à penser. Peuple maladroit, ils ont toujours mené leur chef à sa perte, des bactéries féroces à Napoléon en passant par les tyrannosaures. Puis ils se sont exilés, déprimés, dans une caverne de l’Antarctique. Face à l’apathie de son peuple, Kévin (Pierre Coffin) un minion téméraire affublé du petit Bob (Pierre Coffin, encore) et de l’adolescent Stuart (Pierre Coffin, toujours) va quitter leurs repères pour trouver un nouveau maître en la personne de Scarlett Overkill (Sandra Bullock que l’on avait vu la dernière fois dans Gravity), une méchante anglaise démoniaque.
Kévin, Bob et Stuart (Pierre Coffin)
Ne le nions pas une seule seconde, on passe vraiment un très bon moment en compagnie de ces minions. Leur succès premier est dû à l’irrésistible marketing qui a sûrement prévalu à leur design. Ce sont de véritables peluches que les plus petits révéraient d’avoir comme doudou et dont les plus vieux à tendance geek pourrait bien se laisser tenter en figurines. On s’étonnera toujours du travail subtil des dessinateurs pour donner à leurs créations si simples d’apparences tout le panel d’expression nécessaire à la transmission d’une émotion certaine. Un défi dont s’accommode très bien Les minions. Mais le génie humoristique qui caractérise ces personnages, c’est avant tout leur langage mélange d’anglais, d’italien et d’espagnol, à première vue totalement aléatoire et foutraque mais, en réalité, très bien pensé, rassemblant au moment opportun les mots les plus clichés des trois langues. Appuyé par une animation au petit oignon, ce langage rend les minions délicieusement drôles et attachants.
Herb Overkill (Jon Hamm/Guillaume Canet que l’on a adorait dans L’homme qu’on aimait trop et La prochaine fois je viserai le coeur) et Scarlett Overkill (Sandra Bullock/Marion Cotillard qui faisait la voix-off dans le très beau documentaire Terre des ours)
Reste que leur coté mignon n’est peut-être pas la seule raison de l’adhésion du public. Il se trouve que les minions sont étonnamment proche de la masse consumériste de nos sociétés dans leur démarche. Bien que caricaturale, l’ambition de ces entités est inexistante, si l’on ose dire, ne se limitant qu’à trouver un tyran, même pas éclairé, pour les guider. Les minions nous dis quelque chose de l’aliénation du peuple incapable de se projeter dans l’avenir sans leader charismatique. Pire, il nous livre une vision pessimiste, appuyée par la voix-off, qui semble nous susurrer que c’est un état naturel auquel on ne pourrait rien. Ce qui pousse évidemment les minions à recommencer les mêmes cycles éternellement, fussent-ils terriblement maltraités. Difficile de savoir quelle sont les intentions réelles des réalisateurs. On penche constamment entre l’impression de parodie et celle de justification du système. La caractérisation sentimentale proche de la tristesse lorsque les minions se retrouve laisser à eux-mêmes, c’est-à-dire enfin libre, laisse malgré tout une appréciation positive de leur esclavage volontaire.
Madge Nelson (Allison Janney) et Walter Nelson (Michael Keaton qui jouait le rôle titre de l’intriguant Birdman)
Contrairement à d’autres divertissements qui transmettent les mêmes idées de manière insidieuse (parlons à ce propos de la saga Divergente ou de A la poursuite de demain), faisant triompher l’immonde propagande qui nous laisse croire qu’il n’existe pas d’alternative, Les minions a l’avantage de le faire, sous le couvert de l’humour, assez grossièrement pour que l’on puisse s’en rendre compte et que l’on puisse douter du but recherché. En tant qu’adulte nous pouvons tout à fait apprécier la très bonne distraction en restant critique. Nous ne sommes néanmoins pas sur que nos enfants puissent faire de même. Comme tout personnages sympathiques, les minions pourraient être des exemples à suivre. Espérons que c’est leur capacité à détruire leurs dictateurs, même par erreur, qui inspirera les plus jeunes d’entre nous.
Boeringer Rémy