Dernier film français de la sélection a avoir été projeté en compétition devant le jury des frères COEN, ce long métrage a en effet été accueilli avec une certaine mollesse par une grande partie des festivaliers, malgré son atout numéro un positionné d'ailleurs en très gros sur l'affiche, à savoir son casting qui réunit deux monstres sacrés du cinéma français : Isabelle Huppert et Gérard Depardieu, qui n'avaient plus tourné ensemble depuis 35 ans et le "Loulou" de Maurice Pialat (à noter que la femme de Pialat, Sylvie est productrice de Valley of love, histoire de boucler la boucle).
Le film est d'abord admirable par la double lecture qu'il nous propose, celle entre fiction et réalité, et qui parvient à mettre à mal notre perception et à bouleverser les codes cinématographiques classiques.
Cela dit, il est évident que de voir reconstituer le tandem de monstres sacré autour de ces retrouvailles sous fond de mort d'un fils est éminemment émouvant pour tous les cinéphiles, tant le pas de deux de ces deux immenses acteurs ne manquera pas de convoquer dans nos esprits toute l'histoire du cinéma français à travers ces deux monstres du 7ème art en pleine possession de leur art.
Et "monstre", c'est vraiment le cas de le dire pour Depardieu, dont le ventre à l'énormité gargantuesque, est filmé sous toutes les coutures et souvent sans un seul tissu sur la peau. Il faut dire aussi que cette chaleur étouffante et écrasante du lieu de ces retrouvailles est un élément incontournable du film (mais pour tous ceux qui comme moi sont déjà allés dans la vallée de la mort, cette chaleur est forcément inhérent à l'endroit) , une chaleur qui s'invite dans toutes les scènes du film, quasiment une personnage à part entière du film, qui influe et sur l’atmosphère et sur l’ambiance de l’œuvre.
Une œuvre dont la mise en scène, très complexe et particulièrement étudiée dans le cadrage, proposant notamment un beau travail sur le son et sur les ombres, possède un côté particulièrement étrange, pas très éloigné dans sa seconde partie surtout, du cinéma de David Lynch ou même, et on l'a moins dit, des écrits de Laura Kashicke avec cette description d’une Amérique profonde peuplée de créatures étrangères, flirtant toujours avec le surnaturel et le fantastique.
J'ai lu parfois dans les critiques du film que le scénario était trop simpliste et tenait sur une seule feuille, c’est certainement vrai, il ne faut évidemment pas s’attendre à un film avec une vague de rebondissements, mais il n’en reste pas moins très finement écrit, avec des dialogues qui sonnent si juste et si beaux.
"Valley of love" est avant tout et surtout un long métrage qui nous invite à l’admirer, à le sentir, et également à réfléchir à des thèmes aussi profond que l’instinct maternel, la filiation et la culpabilité inhérente, ses illusions perdues, et la force du cinéma au moment où les précipices n’ont jamais été aussi visibles et les convictions aussi peu tangibles.
Et le film dépasse largement le film concept théorisant : en offrant de vrais moments de grâce et des scènes assez bouleversante, l'exercice de style qu'on pouvait redouter est très vite largement effacé.
Valley of love s'évère être ainsi une œuvre dense, solaire, métaphysique (voire christique, mais chut, je spoile trop) et qui offre un vrai plaisir de cinéphile : bref, que demander de plus ?
Bande annonce de "Valley of Love" de Guillaume Nicloux