Un film de Marcel Carné (1938 - France) avec Jean Gabin, Michèle Morgan, Michel Simon, Pierre Brasseur - en N.B.
Quel charme !
L'histoire : Un jeune soldat arrive au Havre. Il a en fait déserté l'armée (Indochine) et pense embarquer pour l'Amérique afin d'y débuter une nouvelle vie. Mais il rencontre Nelly, 17 ans, belle et malheureuse, et puis une bande de petits malfrats.
Mon avis : Evidemment, 77 ans après (vous vous rendez compte, 77 ans !), ça paraît un peu vieillot, cette historiette. La jeune fille, le beau marin, et les méchants. Par rapport aux héros d'aujourd'hui, on a envie de les secouer un peu, je dois dire. Mais saperlipopette, quel charme ! Comme des vieilles, vieilles photos de nos grands-pères et grands-mères, qui soudain s'animeraient devant nous... Charme d'une époque où l'on prenait le bateau pour partir à l'aventure, où les jeunes filles se pâmaient et portaient le béret.
Ces acteurs étaient incroyablement séduisants. Jean Gabin me fait craquer, et les yeux de Michèle ("T'as de beaux yeux, tu sais") sont des océans sans fond. Tout le film repose sur leur duo, et on en devient vite accro.
J'ai adoré les beignes que se mange Pierre Brasseur ! Non que je sois violente, vous le savez. Mais avec la tête de pioche qu'il a, on trouve qu'il le mérite bien, et le fait qu'il n'ose pas se rebeller, alors qu'il se fait passer pour un caïd, c'est vraiment drôle. Et il faut voir la tête qu'il fait, entre dépit, humiliation et rage contenue. D'ailleurs, dans la scène des auto-tamponneuses, sa compagne éclate de rire et se moque de lui. Irrésistible !
Et puis il y a le petit chien. Un petit toutou paumé, comme le héros, qui se met à le suivre partout, métaphore de sa propre vie. Il vit libre et sans attache, et puis il fait LA rencontre (Gabin, pour le chien ; Michèle pour Gabin). Trop mimi.
Pas un chef d'oeuvre pour moi, cependant. Ca a quand même beaucoup vieilli et il y a des images ou des scènes qui font aujourd'hui un peu rigoler. C'est drôle, d'ailleurs, ce truc : pourquoi la littérature ne vieillit-elle pas (Jane Austen, Balzac, Maupassant...), mais les films, oui. Hum, c'est sans doute idiot ce que je dis. J'imagine que nombreux sont ceux qui seraient incapables de se replonger dans Balzac. Question de goût.
L'avantage du livre, néanmoins, c'est surtout que les images, on les imagine soi-même, notre cerveau les adapte... Tandis qu'au cinéma, on nous impose un phrasé, une gestuelle, qui prêtent à sourire quand le temps passe.
La réplique inoubliable (à part l'autre, célébrissime, citée plus haut) :
- Dépêche toi, on n'a pas le temps !
...mais je ne peux vous dire le contexte, ce serait spoiler... Donc cherchez !
A savoir, le film a eu un grand succès, mais était interdit aux moins de 16 ans et a eu son lot de critiques acerbes : à l'époque, mettre en scène un déserteur, et une jeune fille qui se donne à son amant sans être mariée, c'était très osé !