Juge de proximité et annulation de décision d'assemblée générale de copropriété

Publié le 05 juillet 2015 par Christophe Buffet

Cet arrêt juge que la demande d'annulation d'une décision d'assemblée générale de copropriété ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal de grande instance :

"Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Dieppe, (24 mars 2014), rendu en dernier ressort, que M. et Mme X..., propriétaires d'un lot dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ont été assignés par le syndicat des copropriétaires en paiement d'un arriéré de charges ; que pour s'opposer à cette demande, ils ont soulevé la nullité de certaines délibérations d'assemblées générales ayant mis à la charge de la copropriété des travaux sur les balcons constituant selon eux des parties privatives ;

Sur le premier moyen : 

Vu l'article R. 231-5 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu que la juridiction de proximité connaît des demandes incidentes ou moyens de défense qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; que toutefois, si le moyen de défense implique l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire ou possessoire, la juridiction de proximité doit relever son incompétence au profit du tribunal de grande instance ;

Attendu que pour dire que la demande d'annulation des décisions d'assemblées générales constituait une défense au fond soulevant une question relevant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, la juridiction de proximité retient qu'en application de l'article 49 du code de procédure civile, toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction, que la demande d'annulation des délibérations des assemblées générales de la copropriété est de la compétence exclusive du tribunal de grande instance et que la juridiction de proximité n'a donc pas à se prononcer sur une contestation relative aux délibérations des assemblées générales des copropriétaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la demande d'annulation d'une décision d'assemblée générale ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, la juridiction de proximité, en l'absence d'un moyen de défense impliquant l'examen d'une question de nature immobilière pétitoire ou possessoire, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la cassation du chef du premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence de la disposition critiquée par le second moyen ; 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 mars 2014, entre les parties, par la juridiction de proximité de Dieppe ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Rouen ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Champlain 13/25 quai du Hâble à Dieppe aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Champlain 13/25 quai du Hâble à Dieppe à payer à M. et Mme X... une somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Champlain 13/25 quai du Hâble à Dieppe ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que le moyen pris par Monsieur Robert X... et Madame Madeleine X... de la nullité des décisions prises en assemblée générale des copropriétaires de la Résidence CHAMPLAIN constituait une défense au fond relevant de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance ;

AUX MOTIFS QUE 

« Selon les dispositions de l'article 14-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis « Pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel. L'assemblée générale des copropriétaires appelée à voter le budget prévisionnel est réunie dans un délai de six mois à compter du dernier jour de l'exercice comptable précédent. Les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté. Toutefois, l'assemblée générale peut fixer des modalités différentes. La provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour de la période fixée par l'assemblée générale » ; (...) que les époux X... soutiennent que les balcons sont des parties privatives, et qu'en conséquence les travaux les concernant ne pouvaient pas être décidés en assemblée générale des copropriétaires, ce qui a pour effet d'entraîner la nullité de ces décisions et également des décomptes de charges qui s'ensuivent ; qu'ils indiquent qu'ils ont écrit un courrier en date du 12 février 2007 adressé à Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de DIEPPE exposant leurs critiques relatives à l'assemblée générale des copropriétaires en date du 14 décembre 2006 concernant la décision de faire réaliser des travaux de réfection des balcons ; qu'ils n'établissent pas que le Tribunal de grande Instance ait été saisi de cette affaire ; que les époux X... soutiennent cependant que par voie d'exception la nullité d'une décision de l'assemblée générale prise illégalement peut toujours être invoquée et que la réclamation de la copropriété étant faite en exécution d'une décision d'assemblée générale, cette décision est entachée de nullité, et l'exception de nullité étant perpétuelle la juridiction doit l'examiner ; qu'en application des dispositions de l'article 1304 du code civil, la partie qui a perdu par expiration du délai de prescription le droit d'intenter l'action en nullité d'un acte juridique peut cependant à quelque moment que ce soit, se prévaloir de cette nullité contre celui qui prétend tirer un droit de l'acte nul ; que l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en application des dispositions de l'article 71 du Code de procédure civile, le moyen pris par les époux X... de la nullité des décisions prises en assemblée générale constitue non pas une exception de procédure mais une défense au fond ; que cependant, aux tenues de l'article 49 du Code de procédure civile « toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction » ; qu'en l'espèce, la demande d'annulation des délibérations des assemblées générales de la copropriété est de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance ; que la juridiction de proximité n'a donc pas à se prononcer sur une contestation relative aux délibérations des assemblées générales des copropriétaires ; que de ce fait, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise afin de vérifier si les conditions légales relatives aux assemblées générales ont été respectées avant et après chacune des assemblées des copropriétaires de la Résidence CHAMPLAIN » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE 

Le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'il ressort des termes mêmes du jugement que le syndicat des copropriétaires de la résidence CHAMPLAIN n'avait pas soulevé la prétendue irrecevabilité de l'exception de nullité des délibérations du syndicat des copropriétaires fondant la créance litigieuse à l'égard des époux X... ; qu'en relevant néanmoins d'office cette fin de non-recevoir, sans avoir au préalable invité les époux X... à présenter leurs observations, la juridiction de proximité a violé l'article 16, alinéa 3, du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE 

Les époux X... invoquaient la nullité des délibérations du syndicat des copropriétaires pour faire échec aux demandes de ce dernier tendant au paiement d'arriérés de charges de copropriété ; que la juridiction compétente pour statuer sur une telle défense au fond dépend de l'objet des délibérations litigieuses ; que dès lors, en se bornant à retenir que la nullité des délibérations litigieuses ne relevait pas de sa compétence, sans rechercher le contenu desdites délibérations, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard des articles 11, 17, 18-2, 19, 19-2, 20, 23, 29-4, 30, 34, 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

SECOND MOYEN DE CASSATION 

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné les époux X... à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence CHAMPLAIN la somme de 2.284,93 euros due au 28 novembre 2012, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 août 2012.

AUX MOTIFS QUE 

« Le Syndicat des copropriétaires présente à l'appui de sa demande un procès verbal de l'assemblée générale du 30 mai 2006 qui mentionne dans le rapport du syndic qu'à Noël dernier un morceau de béton est tombé du 8ème étage et qu'il a été procédé à une étude sur les travaux à réaliser au niveau des balcons ; qu'en outre les copropriétaires présents et représentés votent le budget prévisionnel 2007 ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 14 décembre 2006 qui mentionne dans le rapport du syndic que des éclats de maçonnerie des balcons sont tombés sur le trottoir à Noël 2005 et en août 2006, et que ces incidents doivent alerter sur les mesures obligatoires à prendre pour la réfection indispensable des balcons ; qu'il est indiqué en outre que les copropriétaires présents et représentés acceptent à la majorité de donner mission à deux architectes d'effectuer un diagnostic complet et précis ainsi que des sondages et radiographies des balcons selon proposition pour un montant prévisionnel de 7.000 euros, et de réitérer l'accord au profit du syndic et du conseil syndical pour les travaux de sécurité des balcons ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 24 mai 2007 qui indique que les copropriétaires présents et représentés décident la reprise des maçonneries de façade suite à la purge des bétons effectuée dans le cadre de la mise en sécurité et donnent mission au conseil syndical et au syndic d'accepter un devis qui sera présenté par la société MARTEAU et la société ACROBAT ne dépassant pas 15.000 euros TTC, que les travaux devront être réalisés avant le 15 novembre 2007, et qu'un appel de fonds sera établi et adressé aux copropriétaires dès l'approbation d'un devis ; que les copropriétaires présents et représentés ont également accepté à l'unanimité les comptes de l'exercice écoulé ; qu'en outre les copropriétaires présents et représentés votent le budget prévisionnel 2008 ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 28 mai 2008 qui mentionne que l'année écoulée ont été réalisés les travaux de purge des maçonneries ; qu'en outre, les copropriétaires présents et représentés acceptent à l'unanimité les comptes de l'exercice écoulé et votent le budget prévisionnel 2009 ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 26 septembre 2008 et un procès verbal de l'assemblée générale du 14 mai 2009 qui mentionne que l'année écoulée ont été réalisés des travaux de reprise des maçonneries sous balcons et terrasse, et qui indique que les copropriétaires présents et représentés ont pris les décisions suivantes : un appel de fonds sera adressé aux copropriétaires pour le nettoyage des vitres, pour la réfection du mur du bâtiment A sur rue, réfection de l'entrée du bâtiment sur rue, et pour le remplacement des descentes des eaux de pluie du bâtiment A ; que les comptes de l'exercice écoulé sont acceptés et le budget prévisionnel 2010 voté ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 19 mai 2010 qui indique que les copropriétaires présents et représentés décident la mise en conformité et la modernisation des ascenseurs ; que les comptes de l'exercice écoulé sont approuvés à l'unanimité ; que le budget prévisionnel 2011 est voté à l'unanimité ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 18 mai 2011 qui indique que les copropriétaires présents et représentés décident la création d'un local à vélo extérieur. Les comptes de l'exercice écoulé sont approuvés à la majorité simple ; que le budget prévisionnel 2012 est voté à l'unanimité ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 25 mai 2012 qui indique que les copropriétaires présents et représentés décident à la majorité simple de poursuivre les époux X... pour non paiement des charges pour un montant de 2.509,54 euros chargent le syndic d'ester en justice ; que les comptes de l'exercice écoulé sont approuvés à l'unanimité et les membres du conseil syndical confirment que toutes les dépenses sont assorties d'un justificatif et ont été nécessaires au bon fonctionnement de la copropriété ; que le budget prévisionnel 2013 est voté à l'unanimité ; qu'il présente un procès verbal de l'assemblée générale du 15 mai 2013 qui indique que les copropriétaires présents et représentés approuvent à l'unanimité les comptes de l'exercice écoulé ; que le budget prévisionnel 2014 est voté à l'unanimité ; qu'il présente un relevé des charges de copropriété des époux X... établi par le Cabinet DELABOVE pour l'exercice année 2006 détaillé par rubrique de charges ; qu'il présente un relevé des charges de copropriété des époux X... établi par le Cabinet DELABOVE pour l'exercice année 2007 détaillé par rubrique de charges et par copropriétaire ; qu'il présente un relevé des charges de copropriété des époux X... établi par le Cabinet DELABOVE pour l'exercice année 2008 détaillé par rubrique de charges et par copropriétaire ; qu'il présente un relevé des charges de copropriété des époux X... établi par le Cabinet DELABOVE pour l'exercice année 2009 détaillé par rubrique de charges et par copropriétaire ; qu'il présente un extrait de compte concernant les époux X... arrêté au 28 juillet 2012 faisant état à la date du 1er novembre 2011 d'un solde débiteur en début de période de 2.509,54 euros ; que le solde est en date du 1er juillet 2012 débiteur d'une somme de 2.294,93 euros ; qu'un extrait de compte établi par le Cabinet DELABOVE daté du 25 octobre 2013, pour la période du 01/10/2006 au 28/11/2012, faisant ressortir un solde négatif de 2.284,93 euros dû par les époux X.... Cet extrait de compte rapporte le détail des impayés des époux X... ; que les extraits de compte et relevés de charges présentés par le syndicat des copropriétaires précisent la nature et l'objet des sommes réclamées, l'évolution des rubriques crédit et débit, et la répartition en fonction des tantièmes possédés par les époux X... ; que les sommes réclamées aux époux X... correspondent à des décisions votées en assemblée générale par les copropriétaires présents ou représentés, qui ont approuvé les comptes de l'exercice précédent et le budget prévisionnel de l'exercice à venir ; que la demande exprimée par le Syndicat des copropriétaires de la Résidence CHAMPLAIN étant justifiée et prouvée par les débats en audience et les documents communiqués, les époux X... seront condamnés à lui payer la somme de 2.284,93 euros due au 28/11/2012 augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice en date du 22 août 2012 » ;

ALORS QUE 

La cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif à la recevabilité des moyens de défense soulevés par les époux X..., emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions des articles 624 et 625 du Code de procédure civile."