L'un se présente comme le dernier des grands intellectuels français. Tout ce qui s'autoproclame "élite" n'est que bien pensance, dit-il. A savoir, politiques, hauts fonctionnaires, et surtout intellectuels officiels : Attali, Onfray, BHL, Minc, Bourdieu... Une seule exception : la tornade Sarkozy. Son mouvement brownien, c'est l'esprit du temps. Malheureusement, il est entré dans le rang. Cette partie du livre est pauvre en démonstrations et riche en invectives. Lecture désagréable. Mais qui m'a révélé le sens d'un affrontement que j'avais entraperçu sans comprendre son origine.
L'élite refuse le changement Nous avons changé d'ère. Hier c'était le "modernisme". Son origine était les Lumières. Individualisme, raison et progrès. D'où notre société actuelle. C'est fini. Nous sommes "post modernes". Nous devons redécouvrir l'émotion. Mais, surtout, l'inconscient collectif. C'est le peuple et son intuition qui, en quelque sorte, "comprennent", pas l'élite. Le rôle de l'élite est d'exprimer ce que ressent le peuple. Or notre élite refuse ce changement. Elle plaque sur la société les valeurs "modernes". En particulier, des normes. Exemple : le "communautarisme". Le peuple désire vivre en communauté, en "tribu", alors que l'Etat veut lui imposer la laïcité républicaine. Plus surprenant : la mariage pour tous. C'est vouloir faire entrer dans la norme ce qui ne peut pas y être, la passion.
Changer l'Etat Le second auteur, énarque, analyse le "fonctionnaire haut". Les énarques, la "tribu des tribus". Passage, bienvenu, de la polémique à l'observation. De la théorie à la pratique. "Tous les fondements de l'Etat moderne se sont effondrés." Le communautarisme, "l'auto organisation", a vaincu. Et il n'est pas que bon : "chacune de ces communautés (...) construit son identité au travers de l'opposition à d'autres (ce qui) réveille les pires corporatismes, les égoïsmes, les racismes". L'Etat réagit en plaidant "pour un retour au primat de l'Etat et à l'universalité de la loi". En pure perte. Car il est devenu d'une complexité telle que "l'impuissance devient la règle". Du coup, l'arbitraire y règne. On est irresponsable, mais on peut être coupable d'un crime que l'on n'a pas commis (par exemple lorsqu'une manifestation fait du tort à un puissant). Monde de courtisans. Bref, le haut fonctionnaire n'est peut-être pas heureux. Et ce d'autant plus qu'il réalise qu'aucune réforme ne réussit. Et qu'il n'a peut être pas que l'ambition comme conscience. Son dernier espoir, c'est la "société civile". L'Etat croit que la société va savoir faire ce dont il est incapable, s'il lui en donne l'autorisation. Alors il réunit les représentants des corporatismes. Ce qui provoque des affrontements stériles. Mais tout n'est pas perdu, pense l'auteur. Le haut fonctionnaire pourrait faire de sa faiblesse une force. Il pourrait être un intermédiaire facilitateur des transformations de la société. Il l'aiderait "au jour le jour, pas à pas" à résoudre les problèmes qu'elle rencontre. Et ce en constituant des groupes de gens compétents et en cherchant à ce qu'ils atteignent un consensus.
(MAFFESOLI, Michel, STROHL, Hélène, Les nouveaux bien pensants, Le poche du moment, 2015.)