Jonathan Strange and Mr Norrell est une nouvelle série de sept épisodes qui est diffusée en Angleterre depuis la mi-mai sur BBC One, depuis la mi-juin aux États-Unis sur BBC America et le sera au début juillet au Canada sur The Movie Network. Dans l’Angleterre du début du XIXe siècle, plusieurs hommes férus de magie se rencontrent quotidiennement pour échanger sur leurs dernières lectures à ce sujet jusqu’à ce qu’un jour, un homme nommé Childermass (Enzo Clienti) vienne proposer à tous ces théoriciens des sortilèges d’en voir se concrétiser sous leurs yeux. C’est que son maître, M. Norrell (Eddie Marsan) étudie depuis toujours cet « art », reclus dans son palais et justement, leur en met plein la vue avec un tour qui lui vaudra une notoriété jusqu’à Londres dans les cercles politiques. C’est que désespérés, les membres du parlement auraient bien besoin d’un peu de magie : le pays est en effet englué dans une guerre qui semble sans fin contre les armées de Napoléon. Adaptation du très populaire roman éponyme de Susanna Clarke en 2004, Jonathan Strange and Mr Norrell, malgré une réalisation impeccable et un sujet inusité, navigue entre plusieurs eaux et pour ceux qui n’ont pas lu le livre, il est assez compliqué de savoir où la série veut nous amener, même après trois épisodes. Quant à l’époque où l’histoire se déroule, elle est carrément sous-exploitée.
De la magie pour contrer Napoléon
C’est dans son château lugubre que Norrell donne l’instant d’un moment vie à toutes les statues de pierre qui ornent le couloir principal de son château devant des spectateurs ébahis. Deux d’entre eux, Drawlight (Vincent Franklin) et Lascelles (John Hefferman) ont des amis bien placés à Londres et ce n’est pas très long qu’ils convainquent le magicien de venir s’installer dans la métropole. Là-bas, il rencontre Sir Walter Pole (Samnuel West), le Secrétaire d’État de la Guerre dont la jeune femme, Lady Pole (Alice Englert) vient tout juste de mourir. Norrell parvient à la ressusciter, mais pour cela doit signer un pacte avec le sinistre garçon-fée Lare (Marc Warren), tout droit débarqué du royaume du Dernier Espoir et qui à long terme, pourrait bien transformer la vie des protagonistes londoniens en cauchemar. Sur ces entrefaites, entre en scène Jonathan Strange (Bertie Carvel), un autre magicien qui manie cet art avec beaucoup plus d’aisance que son congénère. Pourtant, ce « Mozart » et ce « Salieri » s’allient, mais les tensions sourdes entre les deux hommes ne tardent pas à se faire sentir et n’augurent rien de bon.
Il y a encore beaucoup de place pour les séries fantastiques de ce genre à la télévision puisque le concept est loin d’être exploité jusqu’à la moelle, comme c’est en train d’être le cas avec les fictions mettant en scène des morts vivants. Ainsi, au niveau du ton, Jonathan Strange and Mr Norrell pourrait se retrouver entre les très populaires Harry Potter et la série Penny Dreadful de Showtime. On nous présente des tours de magie brillamment mis en scène grâce aux effets spéciaux qui ne sont pas sans nous rappeler les films inspirés des œuvres de J.K. Rowling, qu’il s’agisse des gargouilles, des vaisseaux fantômes formés de pluie ou encore de créer un sentier pour les soldats du Portugal engagés contre l’armée française en faisant disparaître toute une forêt. Quant à la ressemblance avec la série de Showtime, il y a ce quelque chose dans le Londres du XIX siècle d’assez glauque avec ses grands palais où l’action se déroule en majorité la nuit, proche d’ailleurs de l’Expressionnisme allemand, et c’est sans compter le personnage de Lare qui pourrait bien éventuellement se transformer en un être carrément diabolique.
Certes, cet entre-deux est intéressant dans la mesure où la série n’essaie pas de s’adresser à une tranche d’auditoire en particulier, mais en même temps, Jonathan Strange and Mr Norrell saupoudre au lieu de nous donner une consistance satisfaisante. Les scènes incluant la magie, propices aux effets spéciaux, sont trop peu nombreuses et étant rendu quasiment à la mi-saison, aucun rapport de force ne s’est encore vraiment établi entre Norrell, Strange et Lare; ce qui devrait normalement être au cœur du récit.
Mais là où on a l’impression que la série rate le coche est lorsqu’elle ne profite pas assez de la période historique dans laquelle elle est implantée comme le fait par exemple si bien Downton Abbey. Des parlementaires souhaitent en effet utiliser les pouvoirs de Norrell et de Strange pour vaincre Napoléon, mais mis à part quelques références à cet ogre de l’Europe et la courte présence de Lord Wellington (Ronan Vilbert), chaque personnage évolue en vase clos par rapport à la société : une belle opportunité manquée
« Tournage » à Montréal…
Jonathan Strange and Mr Norrell est dans les faits une coproduction entre le Royaume-Uni et le Canada. Or, en échange de financement, il est au courant au Canada d’exiger en contrepartie que certaines scènes de la série soient tournées dans le pays et dans ce cas-ci la ville de Montréal avait été évoquée. Tout de suite, on pense au Vieux-Montréal avec son architecture mélangeant le style français de la moitié du XVIIe siècle et anglais des XVIIIe et XIXe et du coup, on se met à scruter tous les plans extérieurs, en particulier lorsque les protagonistes sont arrivés à Londres. En entrevue, le coproducteur de Feel Films Nick Hirschkorn n’a pas retenu la vieille partie de la ville : « We didn’t use exterior town stuff in Montreal because we have so much of that in Britain that is appropriate ». Mais pour toucher l’argent, il fallait bien trouver une location appropriée, si bien que c’est la Bataille de Waterloo qui a été tournée dans une forêt quelconque du Québec. En termes de visibilité, on a déjà connu mieux…
La curiosité était au rendez-vous pour la première en direct de Jonathan Strange and Mr Norrell puisqu’elle a attiré 5,57 millions de téléspectateurs, se classant au 9e rang de la chaîne durant la semaine du 11 au 17 mai. Par contre, l’audience a chuté de plus de la moitié la semaine suivante avec 2,6 millions et en quatrième semaine, on ne retrouvait même plus le titre de la série dans le top 30 hebdomadaire, soit, bien en deçà des 2 millions. Nous verrons d’ici quelques semaines si ce degré d’appréciation sera similaire de l’autre côté de l’Atlantique, mais une chose est sûre, des arbres et des feuilles dans une forêt à proximité de Montréal ne serviront pas de plus-value en terme de marketing pour attirer la population canadienne devant son téléviseur.